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aux cortès le projet de budget le plus satisfaisant qui ait jamais été rédigé en Espagne. Dans leurs déclarations parlementaires, les nouveaux ministres se sont maintenus scrupuleusement dans la ligne suivie par leurs prédécesseurs, et rien n’est changé à la politique ferme et modérée qui triomphe en Espagne depuis deux ans pour le salut de ce pays. Le général Narvaez avait les défauts de ses qualités au-delà de la mesure où cet inconvénient est d’ordinaire tolérable. Il portait dans la vie politique ce mépris que professent les natures violentes et militaires pour les hommes élevés hors des camps. MM. Mon et Pidal étaient devenus surtout, malgré la douceur de leurs mœurs, l’objet de son antipathie à raison des habitudes régulières qu’ils entendaient faire prévaloir dans toutes les parties du service. M. Martinez de la Rosa calmait seul, à force de prudence et de souplesse, les colères du duc de Valence et les justes susceptibilités de ses collègues ; mais, depuis la signature du manifeste contre le mariage du comte de Trapani, la situation du conseil était devenue impossible, et tout Madrid savait qu’il ne s’assemblait pas un seul jour sans qu’on dût redouter, à l’issue de la séance, une rencontre personnelle entre les ministres de la couronne. Le général Narvaez aspirait à faire chasser ses collègues tout en conservant les affaires ; de leur côté, ceux-ci désiraient conserver leurs portefeuilles en se débarrassant du général. Ces deux partis étaient également périlleux, car l’un faisait tomber l’Espagne sous une administration militaire, l’autre avait pour effet de blesser mortellement le duc de Valence et de briser à jamais son influence, qu’il peut être utile de ménager. La reine, avec une rare prudence, a évité ces deux écueils : une situation honorifique, dont il se montre satisfait, est assurée à l’ancien président du conseil, et l’avenir de l’Espagne est remis à des hommes sincèrement dévoués au trône et à la constitution de la monarchie. Tout Paris connaît M. le marquis de Miraflorès, qui ne paraît pas destiné à jouer le premier rôle dans le cabinet qu’il préside. Ce rôle est réservé à M. Isturitz, l’une des meilleures renommées de la Péninsule. M. Arazola, jurisconsulte de mérite, y prendra aussi une position importante ; le général Roncali, ami personnel de Narvaez, a pour mission de maintenir la discipline de l’armée, et son élocution facile lui permettra de prendre une part brillante aux débats parlementaires ; enfin notre société diplomatique et littéraire reverra avec bonheur M. Martinez de la Rosa, si, après une nouvelle administration de deux années, il revient reprendre à Paris une position qui lui sied mieux qu’à tout autre.

Les évènemens qui se passent à Berne sont encore trop obscurs, sinon dans leurs causes, du moins dans leurs conséquences, pour que nous devions nous y arrêter long-temps. Il faut attendre au mois prochain la réunion de la constituante, pour apprécier la portée d’un mouvement qui s’efforcera sans doute de devenir fédéral, mais que l’action morale de l’Europe s’attachera à restreindre dans les limites du canton où il a pris naissance.

Le résultat immédiat de cet événement a été la déchéance de M. Neuhaus et le renversement de la politique semi-radicale qu’il représentait. Traduit,