Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/948

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je les ai vendues et j’en ai donné l’argent aux pauvres. Elles se seraient déchirées aux ronces des buissons, aux piquans des églantiers.

SAINT-ALBIN.

Des dentelles font bien au bas d’une robe.

CÉLINDE.

Irai-je traîner des falbalas dans la rosée des prairies ? Un fourreau de toile anglaise rayée de rose, un chapeau de paille sur l’oreille, voilà ma toilette.

SAINT-ALBIN.

Il faudra vous farder un peu ; je vous trouve pâle.

CÉLINDE.

L’onde cristalline des sources suffira pour raviver les couleurs de mes joues.

SAINT-ALBIN.

Je suis d’avis pourtant qu’une touche de rouge sous l’œil allume le regard, et qu’une assassine posée au coin de la lèvre donne du piquant à la physionomie… Prendrez-vous votre sachet de peau d’Espagne ? Ces bons villageois ont quelquefois l’odeur forte.

CÉLINDE.

La violette des bois, attiédie sur mon cœur, sera notre seul parfum.

SAINT-ALBIN.

J’apprécie la violette ; mais le musc et l’eau de Portugal ont bien leur charme.

CÉLINDE.

Un charme perfide, qui enivre et qui trouble… La nature repousse tous ces vains raffinemens.

SAINT-ALBIN.

Vous ferez comme vous voudrez, vous serez toujours jolie. (Il prend son chapeau.)

CÉLINDE.

Vous sortez encore ?

SAINT-ALBIN.

Je n’ai pas mis les pieds dehors depuis un siècle.

CÉLINDE.

Vous êtes resté absent hier toute la journée.

SAINT-ALBIN.

Est-ce hier que j’ai été à Paris… pour ces affaires que vous savez ?… Il me semblait qu’il y avait plus long-temps.

CÉLINDE.

Ce n’est pas galant, ce que vous dites là.

CÉLINDE.