Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/931

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Éricson est supérieur au système de Smith à bord des bâtimens dont la vis est le propulseur principal ; que le système de Smith est préférable pour les machines auxiliaires ; que ces deux systèmes se modifieraient utilement à l’aide du système de Woodcroft ; enfin qu’un bâtiment de guerre, dont tout l’appareil doit être à l’abri des boulets, ne peut sans imprudence être muni de roues d’engrenage, et qu’il y a nécessité d’atteler ses machines directement à l’arbre de la vis.

Ainsi voilà deux perfectionnemens qui suffisent pour assurer à la vapeur un nouveau domaine, celui de l’action militaire. Les hommes de l’art en conviennent ; on peut aujourd’hui armer et installer une frégate à vapeur avec un appareil à hélice entièrement à l’abri du boulet, et sans empiéter en aucune manière sur les batteries. Plus tard peut-être reconnaîtra-t-on que de la frégate à vapeur on doit arriver jusqu’au vaisseau à vapeur ; mais, dans tous les cas, la frégate suffit pour rendre un vaisseau à voiles un objet impuissant et presque ridicule. Que veut-on que devienne cette masse gouvernée par le vent à côté d’une frégate de 60 canons, qui évoluera avec une entière liberté d’allures, et, ne prêtant jamais le flanc, se bornera à envoyer ses volées entières de bout en bout, jusqu’à ce qu’elle ait réduit le colosse désemparé à demander grace ? Évidemment il y a là en germe tout un ordre de faits nouveaux par lesquels il serait imprudent de se laisser surprendre.

Dans l’ancienne tactique, la voile avait deux fonctions, la croisière et le combat. Le jour où la vapeur a ouvert son premier sillon sur les mers, la croisière lui a échappé. Désormais il ne lui est plus donné de soumettre toute une étendue de côtes à un blocus rigoureux. La vapeur se rit de sa surveillance inefficace. Quant au service de combat, si l’effectif en vapeur s’élève en nombre et en puissance, évidemment la voile perdra ce dernier attribut. Lorsqu’on veut la défendre jusqu’au bout, on parle des mers lointaines, où la flotte à feu ne saurait se porter. Ce sont là des exceptions : le vrai théâtre de nos luttes est dans les eaux d’Europe, à nos portes, sur notre littoral ; on peut sans péril subordonner à ce grand intérêt les intérêts d’un ordre purement secondaire.

Enfin il est une dernière considération dont on s’arme pour défendre le vaisseau de ligne, c’est le besoin de conserver une marine de guerre qui puisse ouvrir le feu avec succès contre des batteries placées sur le rivage. Pour cet emploi, il faut nécessairement, dit-on, un corps flottant qui vomisse d’un seul jet de grandes masses de fer et soit pourvu de murailles capables d’offrir une résistance énorme. A l’appui