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moins lourd pour le pays, et permettrait de la répartir entre les divers ports d’une manière plus réfléchie et plus fructueuse.

Tel est, dans une analyse succincte, le projet dont les chambres sont saisies et que le document officiel développe avec beaucoup d’étendue et de force. Ce document fait honneur à l’administration ; il compose un traité complet sut la matière, et se distingue par la précision et le choix des détails, l’enchaînement des idées, la netteté du style. Il est à désirer que les chambres en adoptent les conclusions, et prouvent ainsi que la passion récente dont elles se sont prises pour la marine part d’un sentiment sincère et non d’une inspiration de tactique. Cependant, dans l’intérêt même de la loi, il importe d’examiner les objections qu’elle soulève.

Et d’abord, au point de vue de ceux qui placent dans le vaisseau de ligne le principal et presque notre seul instrument de puissance à la mer, il est certain que le projet actuel, loin d’ajouter à nos forces, semble en retrancher quelque chose. En effet, après une dépense de 135 millions, nous nous retrouverions, vers la fin de 1854, avec 20 vaisseaux à flot et 24 en chantier, tandis que nous avons aujourd’hui 46 vaisseaux dont 23 à flot et 23 en construction, c’est-à-dire qu’après une dépense énorme et sept années d’attente nous aurions, non pas plus de vaisseaux, non pas même un chiffre égal, mais 2 vaisseaux de moins.

Le nombre de nos frégates se serait, il est vrai, accru de 17 ; mais les frégates sont loin de faire dans une ligne de bataille la même figure que les vaisseaux. En premier lieu, il convient d’éliminer de nos calculs les frégates de troisième rang portant du calibre de 18 et de ne compter que sur les frégates des premier et second rangs qui portent du calibre de 30. Encore y a-t-il une distinction à établir entre les deux batteries de ces bâtimens. La batterie couverte doit seule figurer pour toute sa valeur, la batterie du pont étant trop exposée aux débris de la mâture et n’étant d’ailleurs composée que de caronades. On méconnaîtrait donc les nécessités d’un rapprochement exact, si l’on estimait dans la ligne de bataille les frégates de 60 comme des bâtimens de 60 canons, et les frégates de 50 comme des bâtimens de 50 canons. Rien de plus arbitraire ni de plus dangereux que cette évaluation, et il faut ajouter qu’il est à peu près impossible d’en trouver une qui soit d’une précision rigoureuse. Les Anglais calculent la force d’un bâtiment par la masse du fer qu’il peut lancer ; cependant le calibre n’est pas tout dans une pièce, il y a encore la longueur et le poids, la faculté de supporter plusieurs charges. La résistance des murailles peut aussi conduire à un résultat approximatif ; mais en général on se trouve réduit