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partie de la cavalerie française la liberté d’avoir l’œil sur les Espagnols, — n’en laissant que le nombre nécessaire pour soutenir l’infanterie.

« Et comme ce mouvement empêchera probablement les Espagnols d’assister Charles Stuart dans toute entreprise contre nous, vous pouvez être assuré que, si l’on peut avec quelque raison compter sur la coopération des Français, nous ferons de notre côté tout ce qui sera raisonnable ; mais, si véritablement les Français sont tellement faux envers nous que de ne pas vouloir nous laisser prendre un pied de l’autre côté de l’eau, — alors je vous prie, comme dans notre autre lettre, que toutes choses soient faites pour nous donner satisfaction pour les dépenses que nous avons encourues et pour le retrait de nos troupes.

« Et, véritablement, monsieur, je vous prie de prendre sur vous de la hardiesse et de la liberté dans vos rapports avec les Français à l’égard de ces choses.

« Votre ami sincère,

« OLIVIER P. »


Malgré Cromwell et Mazarin, l’Espagne et Stuart essaient encore de lever la tête. Don Juan d’Autriche promet dix mille hommes ; les marchands hollandais, calvinistes au fond de l’ame, mais jaloux du commerce anglais, prêtent vingt-deux vaisseaux. On veut tenter, par tous les moyens, de rendre à Charles Stuart le trône de son père, et de renverser le puritanisme et Cromwell. Il faudrait seulement que les cavaliers de Londres fussent prêts à marcher pour le roi. Une espèce de fermier qui arrive de Flandre, « le chapeau couvert d’une toile cirée, un bonnet par-dessus, et une petite valise roulée derrière lui sur la croupe de son bidet, » trotte de Colchester à Stratford-at-Bow, s’arrête dans les plus humbles auberges, « boit de l’ale chaude avec les fermiers, joue au trictrac avec eux, » et n’éveille aucune défiance. Il vient soulever l’Angleterre pour le roi Charles ; c’est le duc d’Ormond, le bras droit et le principal conseiller de Charles Stuart. Il a fait « teindre ses cheveux, » et va loger fort secrètement « chez un chirurgien papiste, domicilié à Drury-Lane. » Peu de personnes se doutent de ce qu’il vient faire à Londres ; Cromwell et ses espions sont parfaitement instruits. Le duc d’Ormond s’était caché pendant une quinzaine, lorsque le protecteur, rencontrant lord Broghill dans le parc, l’accosta par ces mots : « Un de vos vieux amis est ici ; c’est le duc d’Ormond, qui demeure maintenant à Drury-Lane, chez le chirurgien papiste. Il ferait mieux de partir ; dites-le-lui. » Lord Broghill, qui n’en savait rien, fut très étonné, s’informa, reconnut la vérité du fait, et instruisit de sa conversation avec Cromwell le duc d’Ormond, qui ne se le fit pas dire deux fois, et s’en alla à franc étrier de Londres à Douvres ; puis il s’embarqua pour Bruges, où il retrouva le prétendant. « Cromwell a beaucoup