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Notes d’or et d’airain ! l’une vibrante et claire
Comme un grelot d’argent que secoue un lutin,
L’autre portant en soi la flamme et le tonnerre,
Et les mornes rumeurs de l’orage lointain.
J’ai pourtant ouï dire, un jour, à mon voisin,
Que Weber s’est servi de la gamme ordinaire.

Ne penserez-vous pas, madame, comme moi
(Ceci pour revenir à notre causerie)
Que souvent, au milieu de cette symphonie
Où trône Beethoven en légitime roi,
De tant de bruits pompeux l’oreille est éblouie,
Et d’admirer si fort déplore un peu la loi ?

Oui, c’est une forêt auguste, immense, altière,
Que cette symphonie avec sa profondeur,
Ses grottes, ses torrens, ses échos, son mystère ;
Mais j’y voudrais parfois rencontrer la clairière,
Et dans la solennelle et mystique épaisseur,
Profane, j’ai souvent regretté l’émondeur.

Weber ! à celui-là je ne sais quel reproche
Adresser. Fantastique, impétueux, ardent,
Les mondes souterrains grondent à son approche ;
D’originalité, nul n’en eut jamais tant.
Quel poème, Freyschütz ! On l’avouera, pourtant,
Ce n’est pas toujours clair comme de l’eau de roche.

— Ainsi, rien de parfait sous ce beau ciel de l’art ;
Triste abus de toucher à l’essence des choses,
Et de porter trop loin le feu de son regard !
Le chant de Bellini, l’orchestre de Mozart !
Plus d’un peintre a rêvé de ces métamorphoses :
Que les cactus aussi n’ont-ils l’odeur des roses ?

Dessin de Raphaël, et couleur de Titien !
La question, mon cher, vous voyez, n’est pas neuve :
Symphonie allemande et chant italien ?
Prenez à chaque source, épuisez chaque fleuve,
De quarante élémens composez votre bien,
Et nous verrons ensuite à juger de l’épreuve.