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souvent ce reproche à la poésie démocratique dont M. Herwegh, M. Prutz, M. Hoffmann, sont les belliqueux représentans, et je voudrais bien que mon conseil, s’il en est ici question, eût réussi à modérer les ardeurs de ces gazettes rimées ; pourtant il n’est pas bien sûr encore que la critique doive se féliciter du résultat, et j’ai des doutes, je l’avoue, sur la valeur de l’échange qu’on nous propose. Y gagnerons-nous beaucoup ? Nous le verrons tout à l’heure. Du reste, M. Prutz sent bien que ce simple changement de forme ne suffit pas, si les défauts persistent : ode ou comédie, peu importe, si la chanson est la même. Il prévoit qu’on lui reprochera encore le ton factice de son langage, la rhétorique pompeuse de ses vers. Un très spirituel écrivain, M. Vischer, dans ses Sentiers critiques, a osé blâmer cet abus de la rhétorique dans les vers de M. Herwegh, et a signalé au contraire la grace non cherchée, l’inspiration naturelle et bien venue d’un aimable poète, M. Édouard Moeriche ; aussitôt M. Vischer est sermonné vertement en pleine parabase, et traité de Souabe devant tout le public d’Athènes. Puis l’auteur s’adresse à celui qui le premier, en Allemagne, a imité Aristophane, au comte Auguste Platen. Il signale en beaux vers, je le veux bien, la riche simplicité, la beauté savante de son langage ; mais pourquoi cet orgueilleux rapprochement ? L’amour-propre du poète s’irrite, s’enflamme, et ce discours humblement commencé va s’emporter jusqu’à l’infatuation. M. Prutz entreprend la défense de Platen, comme si l’on contestait à Platen la pureté antique de sa poésie. Voilà le comte Platen sous la très auguste protection de M. Prutz, et M. Arnold Ruge, qui s’est permis quelques objections sur la valeur des comédies aristophanesques de Platen, M. Arnold Ruge est aussi rudement interpellé que M. Vischer ! Qu’est-ce à dire, et comment se fait-il que l’auteur ne songe pas un peu plus à lui-même ? Au lieu de s’attaquer si singulièrement aux critiques de Platen et de M. Herwegh, ne devrait-il pas répondre aux objections très légitimes que va soulever son œuvre ? Il s’agit bien de Platen et de M. Herwegh ! M. Prutz a voulu, par cette ruse bizarre, nous dire habilement qu’il était le continuateur d’Herwegh et de Platen ; il a emprunté à M. Herwegh ses hardiesses politiques, au comte Platen sa forme savante et pure, et de tout cela est résulté le chef-d’œuvre nouveau. Or, cet enthousiasme de M. Prutz pour lui-même ne lui est vraiment pas permis, même dans le désordre lyrique de la strophe et de l’antistrophe. On ne nie pas la parenté de M. Prutz et de M. Herwegh ; mais qui admettra jamais le rapprochement établi ici entre la pièce de M. Prutz et les études aristophanesques