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jamais besoin, suivant toute apparence, de recourir à la société’ ? Cette éventualité paraît suffire à l’auteur pour légitimer les soupçons et motiver la mesure.

Il n’est pas nécessaire, j’imagine, de discuter de pareilles propositions. Sans parler de ses autres défauts, ce mode haineux d’organiser l’industrie a celui d’être impraticable. Nous ne vivons pas dans un temps où une partie de la société puisse faire peser sur l’autre une législation draconienne, et, par une inégalité révoltante, rendre les conditions de la vie plus dures pour certaines classes que ne le comportent les différences résultant de l’état social. Sans doute, M. Marchand se propose l’avantage des travailleurs pour dernier but de ses efforts, mais il se trompe de route et place le terme trop loin. Sa pensée bienveillante se résume un peu sèchement en cet adage d’une justesse équivoque : Qui aime bien châtie bien. Le devoir et l’intérêt des classes supérieures leur commandent de chercher à guider les classes laborieuses, à réformer les mauvaises habitudes, et à favoriser par des institutions sages le développement des idées d’ordre et d’économie. L’ilotisme des travailleurs, fût-il possible, ne conduirait point au but. Hâtons-nous de le dire, M. Marchand fait violence à son esprit, quand il traite de l’organisation de l’industrie ; ce n’est point là l’objet de ses études ; il n’a pas une idée exacte du sujet ; la question lui apparaît à travers d’épais nuages ; il manque de doctrines économiques comme de vues sociales et politiques. Il a étudié, au contraire, avec quelque soin certaines institutions de bienfaisance. Pourquoi ne pas rester sur ce terrain, qui lui était connu ? Pourquoi se perdre dans une introduction absolument inutile ? Nous avons un système de plus, mais la question n’y a rien gagné.

Si nous jetons un regard en arrière, nous sommes loin de l’intervention absolue du gouvernement dans le régime industriel. Le gouvernement n’est plus ni un entrepreneur général, ni un régulateur suprême, ni un garant responsable du sort des classes laborieuses ; il est réduit à un rôle de police inquisitoriale et tracassière. Ici s’arrête le mouvement vers l’organisation du travail ; la résistance qu’il a provoquée réclame maintenant notre attention. On ne rencontrera plus sur ce nouveau terrain des partis politiques cachés derrière des théories ; on va se trouver en face de doctrines économiques qui se produisent sans arrière-pensée, et peuvent être étudiées du seul point de vue de la science.


III. — LES PARTISANS DE LA LIBERTE ILLIMITEE DU TRAVAIL.

À entendre les partisans de la liberté absolue, les adversaires de toute discipline industrielle, on dirait qu’en France le travail est encore asservi, et que nous avons à entreprendre la conquête d’un grand principe méconnu. De quoi s’agit-il cependant, même dans le cercle de leurs idées ? De supprimer