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sorte de guerre religieuse qui, pour avoir été moins bruyante en 1845, n’est peut-être pas encore aujourd’hui terminée. Par un heureux retour, cette lutte même force le gouvernement à supporter plus de sincérité dans l’exercice des droits constitutionnels, et elle est l’occasion d’un mouvement politique moins exagéré, mais presque aussi vif que celui de 1831 ; ce n’était certes pas celui-là que les auteurs du mouvement catholique attendaient.

De 1833 à 1839, la première chambre, encouragée par l’affaiblissement de la seconde, avait déjà donné des preuves significatives de ses tendances ; elle avait défendu pied à pied l’établissement aristocratique, et traîné l’administration après elle dans cette voie si contraire à tous les intérêts administratifs. C’est ainsi qu’en 1836 ces riches propriétaires empêchèrent qu’on ne fît une loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. La même année, le cabinet, inspiré par la sagesse libérale du roi, avait proposé le rachat des droits féodaux sous des conditions équitables : obligés de céder à l’unanime désir de toute la nation, les grands seigneurs wurtembergeois vendirent leur consentement à si haut prix, que les orateurs les plus modérés de la seconde chambre les menaçaient presque d’une guerre de paysans. Enfin, en 1839, ils profitèrent de la révision du code pénal pour y insérer les dispositions les plus exorbitantes contre le braconnage, et protégèrent leur droit de chasse avec autant de rigueur que la dukery britannique. A soutenir de pareilles causes, on ne se rend pas aisément populaire ; la noblesse souabe finit par le sentir, et depuis 1840 elle a su trouver un meilleur terrain pour donner carrière à ses ambitions : elle a porté tout le débat sur la question religieuse ; les jésuites de Munich sont bien pour quelque chose dans cette habile conversion.

Le Wurtemberg était l’un des pays qui avaient joui le plus tranquillement de cette paix ecclésiastique décrétée depuis 1803 par les autorités temporelles ; on eût pu douter qu’elle y dût être si solide. Napoléon, en augmentant les états du duc Frédéric, dont il faisait un roi, avait tenu plus de compte des arrangemens territoriaux que des affinités religieuses ; il était entré près d’un tiers de nouveaux sujets catholiques dans cette récente monarchie, dont le centre primitif avait été de tout temps le foyer du protestantisme au midi de l’Allemagne. La modération et la fermeté du gouvernement parèrent aux embarras qui pouvaient résulter d’une situation si délicate. Des édits, successivement proclamés de 1803 à 1811, organisèrent l’église catholique du Wurtemberg sous la direction d’un vicaire-général et d’un conseil supérieur,