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du détail, l’élégance et la netteté du style, même au sein des plus laborieuses complications, sont des qualités trop ouvertement reconnues chez M. Halévy pour qu’il importe de les constater de nouveau. Ces qualités magistrales, par lesquelles se recommandent en général toutes les élucubrations de M. Halévy, et son opéra de l’Éclair en particulier, se retrouvent ici comme ailleurs, mais plus séduisantes, peut-être plus ornées, chose assez naturelle, du reste, si l’on pense qu’entre l’Éclair et les Mousquetaires de la Reine il y a une distance d’au moins dix ans. Or, en dix ans, combien d’idées nouvelles mises dans la circulation, dont un esprit soigneux va faire son profit au jour donné, en les modifiant à sa guise ! Avec un musicien tel que M. Halévy, prévoir des qualités du genre de celles dont nous parlons, c’est compter à coup sûr. Des talens de cette complexion, on sait d’avance ce qu’il faut attendre, et presque toujours ce que vous attendez d’eux, ils le tiennent, au rebours des véritables génies, qui fort souvent se trompent. Par malheur, on sait aussi ce qu’ils n’auront jamais, à savoir l’essor mélodieux, la verve dramatique, l’humeur bouffe, tous ces dons naturels des Cimarosa et des Rossini, qu’en Italie on nomme la prima intenzione. C’est distingué, c’est précieux et fin ; mais je défie qu’on se passionne pour cette musique où le cœur a si peu de place, où le calcul supplée éternellement à l’imagination. Comme tout ce formulaire vous laisse froid ! et se peut-il que l’on se creuse ainsi la cervelle à chercher la plus ingénieuse façon de ne rien dire ?


H. W.