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obtiendrait de lui une parole définitive au sujet de ses deux opéras en portefeuille. On cite même le nom d’un ancien ministre, protecteur de l’Académie royale de musique, qui serait intervenu officieusement dans le débat. Or, à tout le monde, M. Meyerbeer répondait qu’il ne répugnerait point absolument à composer un nouvel ouvrage en vue des ressources actuelles du théâtre, mais que, ses deux ouvrages terminés, le Prophète et l’Africaine ayant été écrits dans d’autres conditions, il ne les livrerait que le jour où l’on saurait se procurer deux sujets à son gré, M. de Candia et Mlle Lind par exemple, ou quelque chose d’approchant. N’oublions pas qu’au moment où l’auteur des Huguenots dictait ces volontés, entre M. de Candia et son directeur la désunion était complète, et que de part et d’autre on voulait rompre. Peut-être, en consentant alors à de très grands sacrifices, l’Académie royale de musique aurait-elle pu reconquérir le jeune ténor. Heureusement pour les Bouffes et pour les admirateurs de cette voix si rare et de ce beau talent, dont les habitudes de la scène française auraient pu compromettre encore une fois l’avenir, on a laissé passer l’heure ; désormais les principales difficultés semblent aplanies, et, selon toute apparence, aucun divorce n’aura lieu. Quant à Jenny Lind, nous savons très bien que c’est là un sujet de premier ordre, et qu’il faudrait six mois à peine à la Suédoise de Berlin pour qu’elle chantât la langue ornée et poétique de MM. Scribe et Germain Delavigne avec la même facilité qu’elle met à chanter la langue de M. Rellstab ; mais nous doutons fort que le roi de Prusse, si jaloux des richesses littéraires et musicales de sa cour, consentît à se séparer d’un pareil trésor, même pour complaire à Meyerbeer, son cher et illustre maître de chapelle. Peut-être demandera-t-on ce que venait faire à Paris l’auteur du Prophète et de l'Africaine, s’il était fermement résolu d’avance à ne pas démordre de ses précédens. En vérité, ce serait être bien curieux, et nous plaindrions du fond du cœur le sort des hommes de génie, s’ils devaient ainsi rendre compte à l’opinion publique de leur moindre déplacement. Par bonheur, cette fois encore, M. Meyerbeer aurait d’excellentes raisons à produire, raisons musicales et de nature à motiver son apparition parmi nous, même aux yeux de ces gens qui veulent savoir le secret des choses, et n’admettent pas qu’on puisse venir de Berlin à Paris sans méditer de grands projets. Donc, à ne rien cacher, il s’agissait tout simplement, pour M. Meyerbeer, de s’entendre avec M. Scribe à l’endroit du Camp de Silésie, lequel est définitivement échu à l’Opéra-Comique. Déjà le travail du poème va son train, et la distribution est arrêtée. M. Roger, le virtuose en renom à Favart, chantera la partie de ténor, M. Hermann-Léon celle de basse, et le personnage de la jeune fille, ce joli rôle si fantasque, où Jenny Lind faisait merveille, devinez à qui le maître veut qu’il soit confié ? A Mlle Darcier. Pourquoi pas ? Mlle Darcier ne manque ni de grace, ni d’une certaine intelligence ; elle a du naturel, de l’aplomb, du piquant : qu’on se figure une Brambilla d’opéra-comique. Dernièrement, dans la Cendrillon de Nicolo, elle était à ravir, ce qui, sans doute,