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RESTITUIT ANNO 1781. Ajoutons que le très auguste monarque n’avait eu ni le mérite de l’idée, ni celui d’une entière exécution : l’honneur doit en revenir, pour la plus grande partie, au duc de Serra di Falco, qui, par ses belles recherches sur les antiquités siciliennes, a su mériter une place parmi les plus célèbres archéologues modernes et le titre de correspondant de l’Institut.

Du temple nous passâmes au théâtre, dont la scène parfaitement conservée et les gradins inférieurs en assez bon état doivent encore au duc de Serra di Falco et au roi Ferdinand de s’être vu débarrasser des débris qui les recouvraient. Le temple et le théâtre, voilà tout ce qui reste de cette fière et opulente Ségeste, autrefois rivale Agrigente et de Syracuse. De la ville et de ses palais, rien ; pas un pan de mur, pas un débris quelconque. La nature elle-même semble avoir subi l’influence de cette dévastation inexplicable. Autour de ce temple miraculeusement resté debout, en face de ce théâtre si singulièrement préservé, se déroule toujours la perspective grandiose que contemplèrent jadis les compagnons d’Enée ou les successeurs des Lestrigons. Du haut de la colline où siégeaient les spectateurs, l’œil, partant des pentes abruptes de l’Inici, aperçoit les eaux du golfe et la pointe de l’Omo-Morto bleuie par l’éloignement ; remonte jusqu’aux pics du Bonifato, et s’égare ensuite dans un labyrinthe de montagnes dont les sommets étagés, pressés les uns sur les autres comme autant de vagues solides, se perdent en tout sens à l’horizon, du mont Eryx à Corleone. Mais dans cet immense cirque dont on croit occuper le centre règnent le silence, l’immobilité de la tombe ; le mouvement, la vie, l’homme, ne se montrent nulle part. Cachée par son rocher, Calatafimi ne laisse voir que les ruines de sa forteresse sarrasine ; Alcamo disparaît derrière une ondulation du terrain. Seul sur les flancs d’une montagne absolument nue qui lui appartient tout entière, le château féodal des marquis de Cardillo semble régner sur ce désert, et ajoute au caractère général de cet étrange paysage en évoquant les souvenirs des sombres conceptions de quelques romanciers.

Au milieu de cette grande scène, et malgré l’impression profonde qu’elle produisait sur notre imagination, nous n’en restâmes pas moins naturalistes. Quelques insectes bourdonnaient dans les champs couverts de graminées sauvages et de fenouils de six pieds de haut. M. Blanchard put commencer sa collection et capturer entre autres un charmant lépidoptère, seul représentant européen d’un genre qui appartient essentiellement à l’Afrique : c’était la syntomis phégéenne,