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L'ARAGON


PENDANT LA GUERRE CIVILE




I. – LES PYRENEES ARAGONAISES

De toutes les provinces de l’Espagne, l’Aragon est la plus vaste et la moins connue. Nulle autre n’a pesé aussi long-temps qu’elle sur l’histoire du monde, nulle autre n’est mieux protégée, par les accidens du sol, contre l’envahissement de ce courant anglo-français, sous lequel s’altère chaque jour la vieille physionomie de la Péninsule ; nulle autre, enfin, ne longe la France sur une plus considérable étendue, et, malgré tant de titres à la curiosité, l’Aragon ne tente ni écrivains ni voyageurs. Quelques données banales sur les monumens de Saragosse, deux ou trois chimères historiques qui ont fait fortune, entre autres le fameux sino no[1], voilà à peu près tout ce qu’on en sait. Ce serait pourtant une tâche attrayante pour les historiens que d’aller ressaisir, sur le sol qui fut son berceau, la large et mystérieuse empreinte de cette race aragonaise, un moment prépondérante en France, souveraine en Sicile, conquérante en Grèce, mais dont le flot des âges et des peuples a effacé, d’Europe en Orient, le lumineux sillon. Pour le peintre, le poète, le touriste, l’Aragon a des mœurs et des costumes qu’on dirait copiés d’hier sur les personnages de Calderon et de Cervantes ; pour l’archéologue, des merveilles

  1. Ce sino no, que les trois quarts des historiens étrangers donnent comme la formule sacramentelle du serment politique des Aragonais, n’a été prononcé qu’une fois.