Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/561

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accoutumée. Nous désirons sincèrement que les États-Unis mettent dans les délicates négociations aujourd’hui pendantes un esprit de conciliation sans lequel la paix du monde deviendrait impossible. Les derniers débats du congrès semblent de nature à faire redouter des dispositions contraires. Ce n’est plus seulement le parti démocratique qui, par l’organe du général Cass, demande la dénonciation immédiate du traité de 1827 et la prise de possession du territoire entier de l’Orégon ; c’est le parti whig lui-même qui semble céder à la contagion universelle. Un homme considérable par les fonctions présidentielles qu’il a remplies, M. Quincy Adams, déclare que la première mesure à prendre est de dénoncer le traité, et, ajoutant l’ironie à la menace, il fait une longue dissertation pour établir que la convention de 1827, considérée à tort comme un traité d’occupation conjointe, assure dès à présent les droits des États-Unis à la souveraineté de tout l’Orégon, et n’attribue aux sujets anglais que des privilèges de commerce et de libre navigation que l’ex-président veut bien consentir à leur continuer ; il ne voit donc pas une seule possibilité de guerre, et n’est d’avis de s’y préparer que pour rassurer l’opinion publique. Au surplus, M. Adams finit par se montrer plus sincère, et déclare en face des deux mondes qu’il faudra désormais, dans toutes les questions territoriales, user du procédé militaire de Frédéric II, et traiter après l’occupation consommée.

En regard de cette motion vient se placer celle de M. Calhoun, qui, conformément à des offres antérieures faites par les États-Unis, aurait pour effet de céder à l’Angleterre la portion du territoire située au-delà du 49e degré de latitude, en réservant à l’Union le cours entier de la Colombie. On sait que cette proposition a été plusieurs fois repoussée à Londres ; mais au point où en sont arrivées les choses, il est à croire qu’elle y serait accueillie, si elle était reproduite. Aura-t-elle la majorité dans la chambre des représentans et au sénat ? Cela commence à devenir douteux. Telle est pourtant la seule chance qu’ait encore la cause de la paix. Ce sera déjà beaucoup pour le cabinet anglais que d’accueillir des ouvertures toujours repoussées avec hauteur tant qu’il n’a pas redouté la guerre, et de livrer à l’Union le seul cours d’eau navigable qui conduise à l’Océan Pacifique. On dit que, pour mettre l’honneur national à couvert sur ce point, le cabinet anglais aurait chargé des voyageurs d’explorer une rivière à peu près inconnue, et dont le cours véritable est à peine indiqué depuis les montagnes Rocheuses jusqu’à son embouchure. Le Frazer-River serait, contre toute expérience et toute vérité, officiellement déclaré navigable, et l’Angleterre profiterait de cette découverte géographique pour abandonner ses droits à la propriété de la Colombie.

Nous ne doutons pas que telle ne soit, en effet, la conclusion de ce grand débat, si le parti des négociations prévaut à Washington, comme on peut encore l’espérer ; mais si les États-Unis, dans un entraînement qui paraît avoir saisi la législature locale de New-York elle-même, ne parlent plus du 49e degré et prétendent au 54e, si c’est la souveraineté de l’Orégon tout entier