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REVUE. — CHRONIQUE.

esprit de parti me paraît la première de toutes les conditions pour parler sur des sujets et devant un auditoire où sont représentées des nations opposées entre elles, les unes opprimées, les autres oppressives, toutes encore séparées par une foule d’antipathies.

Ce n’est pas une tâche aisée que d’aborder, même littérairement, les questions du slavisme. Chacune de ces questions est un drapeau derrière lequel se groupent des légions de combattans, impatiens de résoudre par l’épée les problèmes que la plume a posés.

La conduite des cabinets d’Allemagne vis-à-vis des royaumes slaves qu’ils ont assujettis n’est certes pas de nature à calmer l’irritation des vaincus. Le génie absolu de l’Allemagne ne sait opposer au mouvement panslaviste qu’un plan général de germanisation. C’est surtout dans la Silésie et la Prusse orientale que l’administration prussienne fait les plus grands efforts pour obliger les enfans polonais à apprendre l’allemand. Les Slovaques de Hongrie subissent de la part de l’aristocratie maghyare un traitement peu différent. Dans un tel état de choses, faut-il s’étonner que la Russie parvienne à se poser en apparence comme la seule puissance vraiment amie des Slaves ? Il serait imprudent de se le dissimuler, les chaires de littérature slave de l’empire russe sont fondées dans des intentions peu favorables à l’Europe. Aux examens du dernier semestre de 1844, le professeur de la chaire de Moscou terminait son discours de clôture en encourageant les Slaves de Bohême et de Hongrie à résister aux tentatives de l’Autriche pour leur enlever l’idiome de leurs pères. L’orateur ajoutait qu’ils ont derrière eux, pour les soutenir, la Russie, et que, s’ils oubliaient leur langue, on verrait, au bout de cent ans, les savans russes revenir, non sans escorte probablement, enseigner le slavon aux lieux où cet idiome est né.

Dans de pareilles circonstances, n’est-il pas clair qu’une appréciation des littératures slaves, faite à Paris sans aucun esprit de système, pourrait obtenir avec le temps les plus utiles résultats ? Il suffit pour cela que notre but à tous soit un but de conciliation, et que nous évitions avec le plus grand soin de nous enrôler avant l’heure dans aucun des partis belligérans. Entre l’Allemagne qui redoute et arrête le développement slave, et la Russie qui s’indigne de voir ce développement entravé, la France semble appelée à exercer bientôt une glorieuse médiation. C’est à vous, messieurs, qui vous intéressez aux questions slaves, qu’il appartient de former l’opinion, et de préparer la France au rôle que la Providence lui réserve dans un avenir peut-être plus prochain que nous ne pensons.




HISTOIRE DE LA MARINE FRANCAISE, par M. le comte de la Peyrouse


Chaque jour les intérêts de notre marine s’identifient davantage avec les intérêts les plus vitaux du pays et se lient plus étroitement au développement de la grandeur nationale. Dans la faveur qui s’attache aujourd’hui à l’accroissement de notre puissance navale, on pourrait reconnaître sans trop d’efforts