Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


Séparateur


14 janvier 1846.


L’effet des premiers scrutins a été d’écarter pour le moment la question ministérielle et de faire passer les choses avant les personnes. L’existence du cabinet ne paraît plus en question, et c’est désormais à l’opinion publique et au corps électoral que vont s’adresser les orateurs. Les élections générales, hautement annoncées pour l’été prochain par les membres du cabinet, qui paraissent avoir triomphé, sur ce point, de la résistance de la couronne, sont devenues la préoccupation de tous les esprits ; elles détermineront seules les opérations de la chambre et la marche de ses débats. Jusqu’à ce jour, les partis ont pu faire, pour se rapprocher du pouvoir, des sacrifices qui deviennent impossibles en face des opinions qu’ils représentent, et avec lesquelles ils vont avoir directement à compter. On peut donc s’attendre à des débats d’autant plus vifs qu’ils seront plus désintéressés, et à une sorte de reconstitution des partis au sein de la chambre, en vue du scrutin électoral.

C’est dans ces circonstances qu’il a été beaucoup question d’une fusion entre le centre gauche et la gauche constitutionnelle. Une telle union n’est pas sans péril, mais on a pu penser qu’elle était devenue nécessaire en raison des circonstances actuelles. Elle n’est pas sans péril, car elle aurait pour effet de contraindre le centre gauche à prendre, sur des questions politiques aujourd’hui ouvertes, des engagemens de nature à gêner son action, si la grande épreuve que tentera le ministère tourne contre lui-même. Ce parti, essentiellement gouvernemental et qui n’a toute sa valeur que dans le maniement des affaires, se trouverait nécessairement amené, par une alliance officiellement déclarée avec la gauche, à proclamer certains principes à la discussion desquels il s’est refusé jusqu’ici. Lorsqu’on se croyait en mesure de renverser le cabinet du 29 octobre, il était naturel et légitime que toutes les nuances s’effaçassent devant le grand intérêt commun aux diverses fractions de l’opposition ; mais, si l’on aspire à se reconstituer en vue des élections générales et dans l’espoir d’agir fortement sur l’opinion du dehors, n’est-il pas à craindre que l’extension de quelques incompatibilités et l’adjonction de la seconde liste du jury ne suffisent pas pour atteindre un pareil