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Un mois plus tard, Mlle Maragnon épousa le cadet de Colobrières.

Les deux familles continuèrent de vivre à Belveser. Lorsque les mauvais jours de la révolution furent passés, le baron parla de retourner dans son château, qu’il n’avait pas visité depuis ce qu’il appelait son émigration ; mais le manoir seigneurial n’était plus qu’une ruine tout-à-fait inhabitable. Le vieux gentilhomme parut fort étonné de le voir en cet état ; il finit par se persuader que c’étaient les révolutionnaires qui l’avaient démoli, et consentit à demeurer au milieu de ses enfans, dans le château neuf de Belveser. Il parvint à un âge fort avancé, exempt d’infirmités, et n’ayant qu’un seul souci, celui de voir ses fils partager jusqu’à un certain point les idées révolutionnaires : deux de ses aînés servaient dans les armées républicaines, et la baronne elle-même n’avait pas l’air de regretter l’ancien régime.

Mlle de la Roche-Lambert était la seule de son opinion ; parfois ils s’entretenaient ensemble des calamités qui les avaient frappés et des malheurs de la révolution. Mlle Irène insinuait en soupirant qu’elle y avait perdu tout ce qu’elle possédait, et elle avait fini par le croire réellement. Le vieux gentilhomme hochait la tête et répondait : — C’est comme moi, mademoiselle ; les terroristes ont pillé et démoli mon château. L’émigration a achevé ma ruine ; j’ai failli périr en passant à l’étranger. C’est un fait connu : les Colobrières ont tout perdu à la révolution !


Mme CHARLES REYBAUD.