Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui le croirait ? n’étaient point demeurées étrangères à des soustractions d’argent et à des trafics condamnables. Sous ce voile dont la religion protège la tête des filles de saint Vincent de Paule, pour mettre à couvert leur pudeur et tenir secrète leur charité, se cachaient çà et là l’hypocrisie, l’avarice, la ruse. Dans un assez grand nombre de localités, les registres où l’on doit inscrire l’entrée et la sortie des enfans étaient mal tenus ; dans quelques-unes même, ces registres n’existaient pas. L’inspection a diminué une grande partie de ces abus ; les a-t-elle fait disparaître ? Nul n’oserait le croire. On a changé plusieurs fois les règlemens et opéré depuis ces dernières années des réformes que nous passons sous silence. Malgré toutes ces mesures excellentes, les hospices d’enfans trouvés, dans les villes de province, sont, par le fait seul de leur existence et du mystère qui les entoure, des fourmilières de mauvaises œuvres que la surveillance la plus habile ne saurait réprimer ni détruire radicalement. Les aveux de l’administration supérieure ne nous laissent aucun doute à cet égard. On aura beau faire, le mal bravera tous les efforts humains, et l’amélioration de l’œuvre, en suivant la voie actuelle, est condamnée à rester toujours incomplète.

Il nous reste à dire un mot de la législation qui régit maintenant en France et dans le reste de l’Europe les enfans trouvés. Cette législation a changé plusieurs fois dans le monde avec les doctrines morales qui ont renouvelé les institutions et les hommes. La famille était, aux yeux des anciens, une propriété dont le chef disposait selon son plaisir. La naissance de tout enfant légitime était donc suivie d’un moment d’incertitude. — Vivra-t-il ou ne vivra-t-il pas ? — Le père décidait la question en oui ou en non, et la mère présentait alors ou refusait le sein à son nouveau-né, suivant l’arrêt qui venait d’être rendu. L’usage était de déposer le nouveau-né à terre : si le père était d’avis qu’on conservât cet enfant, il donnait ordre de le lever et de le prendre dans les bras, tolle ! sinon, il le laissait, et tout était dit sur le sort du malheureux. Les enfans exposés étaient mis hors la loi ; ils appartenaient à celui qui voulait bien les recueillir. A quel usage l’industrie privée faisait-elle servir le petit nombre de ceux qui étaient sauvés de la mort ? On les élevait, en général, pour les consacrer à la débauche, quel que fût leur sexe. Il existait à Rome une abominable spéculation qui consistait à mutiler systématiquement ces pauvres victimes, afin que l’aspect déchirant de leurs maux fît naître la compassion et attirât d’abondantes aumônes. Sénèque nous introduit dans ces laboratoires de toutes les infirmités humaines : on y fabriquait des boiteux, des