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fermés à sa naissance. Nous avons cherché les motifs qui déterminent le plus souvent ces sortes de démarches : le témoignage des chefs de la maison nous a appris que le cri de la conscience, et plus souvent encore la nature d’une position que le temps a améliorée, sollicitent en général le cœur des parens qui viennent pour retirer leur progéniture. Nous avons vu que les réclamations étaient rares. On se demande si le mystère sous lequel l’administration tient ces asiles cachés avec d’extrêmes terreurs n’est pas un obstacle au retrait d’un plus grand nombre d’enfans trouvés. Ces précautions ont un bon et un mauvais résultat. Il y aurait sans doute un inconvénient à ce qu’un hospice de maternité devînt un pensionnat gratuit, où la première venue pourrait non-seulement se décharger du fruit de ses entrailles, mais encore conserver sur son enfant une surveillance et l’exercice des droits de la nature. C’est pour prévenir cet abus que l’administration a cru bien faire d’élever une barrière infranchissable entre les parens qui ont une fois renoncé à leurs devoirs et le nouveau-né que reçoit la charité publique. A peine le tour a-t-il exécuté son mouvement cylindrique, le sacrifice fatal est consommé pour la mère : son enfant ne lui appartient plus. Elle n’en aura désormais aucune nouvelle, jusqu’au moment où elle se résoudra à le réclamer. Ce sacrifice est juste sans doute, puisque l’état l’impose à des créatures qui ont elles-mêmes immolé en quelque sorte leur nouveau-né ; mais est-il toujours moral, est-il même économique de fermer ainsi tout retour à des sentimens plus humains ? Cette séparation absolue endurcit la femme dans son indifférence, dans son oubli, dans sa dégradante insensibilité. La conscience, n’ayant jamais le corps du délit sous les yeux, n’entendant plus même parler de son existence, efface bien vite le remords qu’une action si lâche peut y avoir laissé. Et puis, disons-le, les sentimens les plus doux de la nature demandent un apprentissage. Comment aimer ce qu’on ignore ? Telle qui s’est habituée sans beaucoup de peine à son isolement, séparée qu’elle est forcément de son nouveau-né par les murs de l’hospice, sentirait peut-être un jour frémir des entrailles de mère, si elle recevait seulement une fois ses embrassemens, si même elle voyait de ses cheveux dans une lettre. En rétablissant dans les limites fixées par la prudence une certaine liberté de communication entre la mère et l’enfant placé en nourrice, ne réveillerait-on pas dans le cœur de plus d’une malheureuse des affections qui s’ignorent elles-mêmes et comme une vertu endormie ? Si cette liberté des rapports existait, l’hospice recevrait peut-être plus d’enfans trouvés, mais il enverrait sortir davantage. Nous croyons qu’en