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le sein, combien le choix des nourrices ne serait-il pas important vis-à-vis de ces innocentes victimes, pour lesquelles l’hospice doit réparer le malheur d’une naissance suspecte ! Quels moyens a l’administration pour se déterminer dans un tel choix avec succès ? Des moyens bornés et insuffisans. Elle est obligée de s’en rapporter à des renseignemens vagues, à des certificats de moralité qui ne certifient souvent rien que la complaisance des officiers publics. Les besoins du service contraignent même quelquefois l’administration à fermer les yeux sur ces enquêtes délicates. Si l’éducation des enfans trouvés est ainsi livrée au hasard, leur instruction est encore bien plus soumise aux éventualités. Le plus grand nombre d’entre eux, étant placés dans des familles pauvres et ignorantes, ne reçoivent aucune notion précise de leurs devoirs. Ce mal est grave ; l’administration fait ce qu’elle peut sans doute pour y remédier, mais elle ne dispose que de moyens d’action très bornés. Comment exercer, à quatre-vingts lieues de distance, une surveillance active sur les études des pupilles de l’hospice ? On donne bien des conseils, des avertissemens : sont-ils suivis ? Il y a même tels cas où il est impossible de mettre ces conseils en pratique. Dans la plupart des provinces éloignées du centre, l’école primaire, qui réunit les deux sexes, n’est déjà pas assez grande pour les naturels de la commune. L’enfant de l’hospice, envoyé dans une des familles agricoles du pays, est toujours un peu considéré comme un étranger. Le plus souvent on s’autorise de l’étroitesse du local et de la condition équivoque de cet élève pour refuser de l’admettre au bienfait public de l’enseignement. Ajoutez aux causes d’un tel refus des motifs d’intérêt privé. L’enseignement primaire, en France, doit être gratuit, ainsi le vent la loi ; mais la loi n’est pas l’homme. La plupart des instituteurs de la campagne sont des hommes, et, qui plus est, de pauvres diables, plus sujets que d’autres aux misères de notre nature. L’administration va lever cet obstacle, en payant pour chaque élève un franc par mois au maître d’école de la commune. Cette mesure est louable, et on peut en attendre quelques bons effets ; mais il restera toujours à vaincre la résistance de certains parens adoptifs, qui ne veulent point envoyer l’enfant trouvé, surtout durant la mauvaise saison, à une distance souvent fort grande de leur chaumière, pour lui faire acquérir une science dont ils méconnaissent le prix.

Il se tient à Paris une école dans l’intérieur de l’hospice, mais cette école n’exerce aucune influence sur l’éducation de la masse. Uniquement destinée à ceux qui passent dans l’établissement, elle voit se renouveler sans cesse la matière sur laquelle son action doit s’exercer.