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enfant de suivre ses traces dans l’intérieur de l’hospice. Malgré cette défense, nous avons visité la crèche, l’infirmerie, les écoles[1]. La crèche (dont le nom tout chrétien rappelle une des influences qui ont le plus contribué dans le monde à adoucir le sort des enfans trouvés) est une salle longue, spacieuse, bien aérée. Cette salle est garnie d’une double ou d’une triple rangée d’environ quatre-vingts berceaux en fer. Des rideaux d’une blancheur irréprochable protègent le sommeil des nouveau-nés. On a d’ailleurs eu soin de modérer la lumière dans toute l’étendue de la crèche, pour ne point offenser des yeux à peine entr’ouverts et encore peu familiarisés avec le grand jour. Le parquet est frotté à la cire. Un feu de bois flambe en toute saison dans une cheminée haute et vaste. Des berceuses, habillées d’une grosse étoffe noire, président, sous la surveillance des sœurs de la charité, à la bonne tenue des enfans. Ces sœurs, dont le costume n’a point varié, portent une médaille qui représente leur vénérable fondateur, celui que l’église nomme saint Vincent de Paule. Quelques-unes d’entre elles ont vieilli dans ce service[2]. Les soins dont ces nouveau-nés sont l’objet ont, en vérité, un caractère tout maternel. Les berceuses ne doivent pas leur donner à boire dans leur berceau, mais les prendre et les tenir entre les bras ; elles doivent également les changer de linge devant le feu de la cheminée. Tout cela est bien prosaïque sans doute, mais tout cela est bien touchant. Nous ne voudrions pas que les femmes qu’une funeste indifférence éloigne de leurs enfans fussent témoins de ce spectacle : nous craindrions que les soins délicats dont les nouveaux venus dans l’hospice sont entourés ne rassurassent trop leur conscience sur la manière dont elles seraient suppléées dans leurs devoirs de mère. La vérité est qu’aucun de ces pauvres petits êtres ne recevrait à domicile les secours généreux qui leur sont prodigués ici par l’état et par des mains étrangères toujours prêtes à les accueillir.

Le service médical est très bien fait. Les enfans sont visités tous les matins, et les prescriptions du docteur sont assez bien suivies. Le résultat

  1. L’administration a bien voulu se relâcher un peu en notre faveur de sa réserve habituelle. Le directeur, M. Gourousseau, nous a fait pénétrer dans toutes les parties de la maison qui présentent quelque intérêt. Nous avons rencontré surtout dans M. le docteur Baron, médecin en chef des Enfans-Trouvés, cette obligeance et ces lumières qui sont toujours le partage des hommes distingués. Il serait injuste d’oublier MM. Terme et Montfaucon, dont les beaux travaux statistiques ont servi à fixer nos observations personnelles.
  2. Nous aimons à rappeler ici le nom déjà oublié de la sueur Guillot, qui, durant cinquante-deux années d’un dévouement admirable, avait reçu et soigné plus de 360,000 enfans quand l’établissement la perdit.