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moines, faisant la chasse aux prêtres pour exécuter les ordres de son oncle, abattant les capuchons, emprisonnant les abbés, puis revenant à Londres prendre part à un tournoi que sa majesté honore de sa présence, et fort bien accueilli du défenseur de la foi et de l’ennemi du pape. Récompensé par le don de plusieurs abbayes, Richard absorbe une assez grande quantité de terres ecclésiastiques pour arrondir son domaine et fonder une propriété importante. Homme d’action et d’exécution, il veut que l’on se saisisse d’un certain sir John Thymbleby, son voisin, qui s’oppose à la sainte réforme de l’église ; il suggère à son oncle le désarmement de tout le comté ; puis il court de Cambridge à Ely, d’Ely à Ramsey, de Ramsey à Peterborough, casse les abbés, brise les croix, expulse les religieuses, assez bon homme pour les prieurs qui se soumettent et renient le pape, cruel envers ceux qui se montrent froward (réfractaires). Tel est l’aïeul d’Olivier Cromwell.

De cette race protestante et véhémente, sur ce domaine formé des débris et des dépouilles catholiques, naquit, en 1599, Olivier Cromwell, qui n’était, on le voit assez, ni le fils d’un brasseur, ni le descendant d’un boucher. Shakspeare vivait, la vieille reine Élisabeth, ayant précipité le mouvement protestant, était adorée du peuple ; il y avait dans tout le Nord un frémissement et une ardeur de combat, en Angleterre le pressentiment d’une grandeur servie par l’insurrection contre Rome. La famille Cromwell, par son adhésion aux nouvelles idées qui dominaient l’avenir, était devenue puissante dans le pays ; Richard, destructeur des couvens et agent de son oncle Thomas, avait légué à son fils, sir Henri Cromwell, connu sous le sobriquet du « chevalier d’or, » un vieux monastère de femmes, Hinchinbrook, situé sur la rive gauche de l’Ouse, rivière aux flots mélancoliques, gémissant sur un lit sans pente et murmurant parmi les joncs. Henri en fit un beau manoir, et l’hospitalité d’Hinchinbrook devint célèbre. Son fils aîné, sir Olivier, après en avoir continué la tradition, le vendit aux Montagu, depuis comtes Sandwich. C’est à eux qu’appartiennent aujourd’hui le château, ses grandes salles, où les vieux portraits des Cromwell sont encore pendus, et les pelouses vertes inclinées vers le fleuve paresseux, et les longues avenues de saules et d’ormes. Robert, père du protecteur, répara les brèches de sa légitime par un mariage singulier. Il y avait dans le pays une famille Stewart, alliée aux rois, et dont l’un des auteurs, prieur catholique de la ville d’Ely, avait opposé quelque résistance à la réforme, à Henri VIII, à Thomas et à Richard Cromwell ; cette résistance papiste ne se maintint pas contre