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retombera insensiblement dans les conditions de l’importation légale, et peut-être que, tôt ou tard, il sera réduit à réclamer lui-même ces réformes douanières dont il est aujourd’hui l’adversaire acharné.

Quelle que soit d’ailleurs l’issue de la partie engagée par le cabinet espagnol, les obstacles ne lui viendront pas du côté du congrès. M. Castro y Orozco, candidat du ministère, a été élu président à une majorité de 94 voix contre 51, données au candidat de l’opposition, et cela en l’absence d’environ cinquante députés ministériels, soumis à la réélection, comme ayant accepté des fonctions salariées, et dont on n’avait pas encore vérifié les pouvoirs. La situation est bonne, on le voit, pour le gouvernement modéré ; mais de cette situation même naissent pour lui des devoirs qu’il saura remplir, il faut l’espérer, en tenant tête avec une fermeté prudente aux intrigues des coteries comme aux violences des factions.

On ne sait encore rien de positif sur la nouvelle convention conclue entre la France et la Belgique ; les renseignemens donnés à cet égard par la presse ministérielle de Bruxelles sont trop suspects de partialité pour être pris au mot. On peut cependant les accepter comme l’expression exacte des prétentions et des besoins de la Belgique, et, à ce titre, ils méritent une attention sérieuse.

Voici, d’après ces renseignemens, quels seraient les avantages faits à la Belgique. Le droit sur ses machines serait réduit. Le tarif différentiel du 6 mai 1841 (12 pour 100) serait conservé à ses fils pour deux millions de kilogrammes, maximum des quantités importées depuis 1840. Ce droit ne serait augmenté que de 5 pour 100 en-deçà de trois millions, et de 8 pour 100 au-delà, c’est-à-dire que, dans la limite d’importation la plus reculée, les fils belges ne paieraient que la moitié du droit de 40 pour 100 frappé sur les similaires anglais par l’ordonnance du 26 juin 1842. Enfin, et voici la concession la plus importante, l’amendement introduit, sur la proposition de M. Delespaul, dans la loi du 6 mai 1841, au sujet de l’emploi du compte-fil, serait modifié, ou pour mieux dire annulé au profit des toiles belges. Aux termes de cet amendement, toute fraction de fil, même la plus ténue, est assimilée à un fil entier, de sorte qu’une pièce de toile qui devrait être imposée, par exemple, à 36 fr., tarif des toiles à huit fils, devient passible du droit de 65 fr., si la douane française aperçoit à la loupe cette imperceptible fraction, effet possible de la simple inégalité du fil en un seul point, surtout quand il a été travaillé à la main. C’est là du moins ce que reprochent, depuis deux ans, les tisseurs belges à l’amendement Delespaul. D’après la nouvelle convention, les fractions de fil ne seraient comptées comme fil entier que tout autant qu’on en constaterait l’existence sur toute l’étendue de la pièce. En un mot, toutes les concessions faites à la Belgique par la convention de 1842 seraient maintenues, et on y joindrait des faveurs nouvelles.

Que nous accorderait de son côté la Belgique ? Le maintien des réductions stipulées, en 1842, au profit de nos vins et de nos soieries, le retrait de l’ar-