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introduite l’année dernière par la loi des douanes, innovation par laquelle nous avons admis les étrangers à entrer pour moitié dans la propriété des navires français.

Ce n’est pas tout : la haute cour d’amirauté anglaise a décidé, notamment dans l’affaire de l’Indian Chief, qu’un navire sous pavillon neutre, avec des papiers parfaitement en règle, et ayant pour propriétaire un négociant qui appartient en réalité à la nation neutre dont ce navire porte le pavillon, doit être considéré comme ennemi, si ce négociant réside en pays ennemi, et s’il y a son établissement commercial.

La même cour a jugé, en d’autres circonstances, que, si un négociant a des établissemens commerciaux en plusieurs pays, on peut le considérer à volonté comme appartenant à l’un ou à l’autre de ces pays, quel que soit, en réalité, le lieu de sa résidence, et que les navires qui appartiennent à ce négociant peuvent être considérés comme ennemis, si l’une de ces nations est en guerre avec l’Angleterre. Ce principe a été consacré par plusieurs jugemens, notamment dans l’affaire de l’Ionge-Klassina.

Enfin, lors même qu’un négociant réside dans son propre pays et n’a d’établissement commercial nulle part ailleurs, si les navires qui lui appartiennent font un commerce qui puisse être considéré, à raison du port d’où part l’expédition des navires et où ils reviennent après leur voyage, comme faisant un commerce ennemi, ces navires peuvent être traités comme ennemis et déclarés de bonne prise. Cette règle a été fréquemment appliquée, et notamment aux navires américains la Susa et la Vigilantia.

Il m’a paru nécessaire de citer ces nombreux exemples, parce que la jurisprudence anglaise, en matière de vérification de nationalité en temps de guerre, a servi de règle à la jurisprudence des tribunaux qui ont été chargés, en temps de paix, de prononcer sur la saisie des navires arrêtés en exécution des traités pour la suppression de la traite des nègres, et parce que les croiseurs anglais ont agi conformément à cette jurisprudence dans l’exercice du droit de visite et de saisie.

Rien ne montre mieux à quel point les usages de la marine anglaise en matière de vérification de nationalité sont arbitraires et menaçans que ce qui s’est passé pendant plusieurs années relativement aux navires portugais, de la part des croiseurs anglais, et de la part des tribunaux mixtes institués pour prononcer sur le sort des navires saisis.

Par les conventions de 1815 et 1817, le Portugal n’avait conféré à l’Angleterre le droit de saisie sur les navires, portugais que, lorsqu’ils