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1831, à M. G. Elliot, secrétaire de l’amirauté britannique, une dépêche dans laquelle il développe les raisons qui s’opposent à la répression efficace de la traite des noirs. On y trouve le passage suivant :


« La seconde raison est dans les ordres qui me sont donnés et qui m’interdisent toute intervention à l’égard du pavillon français. Comme il est facile, pour quelques centaines de dollars, de se procurer des pavillons et des papiers français, la seule chose qui doive surprendre, c’est que l’on trouve sur cette côte un autre pavillon employé à faire la traite ; lorsque les ordres que j’ai reçus seront plus généralement connus, il n’y en aura pas d’autres. »


De leur côté, les États-Unis ne se résignaient pas non plus à l’intervention illégitime de la marine britannique. Plus d’une fois ils obtinrent satisfaction ; je le prouverai par l’exemple suivant.

Le navire américain l’Edwin ayant été fort maltraité par le croiseur britannique la Colombine, capitaine George Elliot, dans une visite effectuée le 12 juillet 1839, M. Stevenson, ministre des États-Unis à Londres, s’en plaignit vivement ; voici la réponse que lui adressa lord Palmerston, le 15 février 1840 :


« Le soussigné a reçu la note qui lui a été adressée par M. Stevenson, et portant plainte de la conduite tenue par le lieutenant Elliot dans l’examen des papiers de bord du bâtiment américain l’Edwin. Le soussigné a voulu qu’une enquête fût immédiatement instituée sur cette affaire, et il s’empressera d’en faire connaître sans délai le résultat à M. Stevenson.

« Le soussigné a l’honneur en même temps d’informer M. Stevenson que des ordres stricts de ne pas intervenir à l’égard des navires appartenant à des états qui n’ont conclu avec la Grande-Bretagne aucun traité portant concession d’un droit de visite réciproque ont été donnés aux croiseurs de sa majesté employés à la répression de la traite… »


Des faits postérieurs prouvent que les ordres dont parle lord Palmerston ont été effectivement donnés. Jusqu’en 1841, les abus commis par les croiseurs anglais sur le pavillon américain étaient secrètement tolérés peut-être, mais non pas autorisés officiellement par l’amirauté anglaise. Tant qu’un grand nombre de puissans états sont demeurés en dehors des traités conclus par l’Angleterre pour la répression de la traite des nègres, le gouvernement britannique s’est borné à ne pas réprimer sévèrement les abus commis par ses croiseurs ; mais lorsque l’Autriche, la Prusse et la Russie se montrèrent disposées à entrer dans le système du droit de visite réciproque et à