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autant que les dispositions personnelles des officiers pourraient le permettre sans porter la moindre atteinte à l’indépendance du pavillon.

« Quelle que fût la couleur qu’arborât le navire négrier, il serait en présence d’un bâtiment de guerre ayant sur lui droit de visite (l’Angleterre a conclu des traités avec l’Espagne, le Portugal, le Brésil, la Hollande, au sujet de la visite réciproque). »


On voit, contrairement à l’assertion de M. le ministre des affaires étrangères, que la visite des navires sous pavillon étranger pour vérifier leur nationalité a été expressément interdite à nos bâtimens par les instructions émanées du département de la marine. Loin d’être conforme à la pratique constante de la marine française, le droit reconnu en 1845 lui est donc formellement opposé.

Relativement à la pratique de la marine anglaise, la question est plus délicate et mérite d’être examinée avec attention.

Il est bien vrai que les croiseurs britanniques ont fréquemment abordé les navires portant pavillon d’une nation qui n’avait concédé, aucun pouvoir à l’Angleterre pour examiner les papiers de ces navires et vérifier leur nationalité ; ils ont fait plus, ils ont fréquemment vérifié la nature de leurs opérations et même opéré la saisie.

De ces abus on ne peut induire l’existence d’un droit.

Il faut observer, d’ailleurs, que, si la plupart des gouvernemens étrangers n’ont pas réclamé contre de semblables abus dans tous les cas, et aussi énergiquement qu’ils auraient dû le faire, ces gouvernemens ont réclamé souvent, et que leurs réclamations ont été quelquefois admises ; que l’Angleterre elle-même a souvent reconnu et réprimé, comme une illégalité, l’intervention de ses croiseurs à l’égard des nations qui n’avaient pas concédé un droit de visite conventionnel.

Je rappellerai seulement ce qui s’est passé, en deux circonstances, entre l’Angleterre d’une part, la France et les États-Unis de l’autre.

Le 4 juin 1830, M. le duc de Laval-Montmorency, alors ambassadeur de France à Londres, adressa à lord Aberdeen, qui était comme aujourd’hui ministre des affaires étrangères, une dépêche dans laquelle il demandait au gouvernement anglais de prescrire à ses croiseurs plus de réserve dans l’exercice de leurs fonctions. Cette réclamation ne fut pas adressée vainement ; des ordres furent envoyés ait commandant de la croisière anglaise sur la côte d’Afrique pour que les croiseurs eussent à s’abstenir de toute intervention à l’égard du pavillon français.

En voici la preuve. Le commodore Rayes, commandant la croisière anglaise sur la côte d’Afrique, écrit de Sierra-Leone, en date du 20 janvier