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Le ministre ajouta que la même pratique existe chez les autres grandes nations maritimes.

Si nos bâtimens de guerre ont commis l’énorme abus que leur impute M. le ministre des affaires étrangères, les instructions données par le département de la marine pour la répression de la piraterie doivent en faire foi, car c’est par ces instructions que nos bâtimens de guerre ont été guidés relativement à la conduite à tenir envers les navires étrangers.

J’ai désiré connaître les instructions données par le département de la marine à nos croiseurs avant la conclusion des traités de 1831 et 1833. Il m’a paru que ces instructions, à cause de leur objet et à raison de leur ancienneté, n’étaient pas de nature à demeurer secrètes. J’ai eu l’honneur d’écrire à M. le ministre de la marine pour lui demander d’en prendre connaissance. Il a bien voulu donner des ordres pour que ces documens me fussent communiqués.

J’ai reçu copie des instructions données, le 14 septembre 1831, pour la répression de la traite des noirs et de la piraterie, à M. le capitaine de vaisseau Brou, au moment où il allait partir sur la frégate l’Hermione, pour prendre le commandement de la croisière française sur la côte d’Afrique. La lecture de ces instructions m’a prouvé que nos croiseurs n’étaient nullement autorisés à considérer comme soupçon de piraterie et comme donnant ouverture au droit de visite la simple présomption que des navires étrangers arboraient un faux pavillon, qu’au contraire il leur était même expressément interdit de visiter les navires étrangers pour vérifier leur nationalité. Les passages que voici le montreront avec la dernière évidence


« La France a constamment refusé de reconnaître à aucune nation le droit de visiter, dans l’intérêt de la répression de la traite, les navires couverts de son pavillon, et en conséquence elle s’abstient elle-même de faire visiter les bâtimens portant pavillon étranger.

« On ne peut méconnaître que cette situation de choses fournit aux navires négriers des facilités pour échapper à la surveillance des croisières ; ces navires trouvent une protection en arborant pavillon français devant les croiseurs anglais, et en arborant pavillon étranger devant les croiseurs français. »


Enfin ces instructions ajoutent :


« Un moyen assuré pour déjouer fréquemment les précautions des coupables serait de se concerter avec les croiseurs anglais pour croiser de conserve,