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déclara incompétent, et les deux commissaires anglais, MM. Macaulay et Doherty, adressèrent à lord Palmerston un rapport explicatif de cette décision. Dans ce rapport, qui a été publié et communiqué au parlement britannique, on trouve le passage suivant :


« Premièrement, l’Amérique n’ayant concédé sous aucune forme le droit de visite à la Grande-Bretagne, le lieutenant Kellett n’avait aucun droit, en temps de profonde paix, d’aborder la Mary-Anne Cassard, naviguant sous le pavillon des États-Unis, à moins qu’il n’ait eu de bonnes raisons pour soupçonner que ledit navire était un pirate, occupé à commettre une offense contre la loi des nations. Secondement, le lieutenant Kellett, n’ayant ainsi aucun droit d’aborder la Mary-Anne Cassard, n’était point autorisé à visiter ni à saisir ledit navire ; il n’était point fondé à se prévaloir des renseignemens obtenus par une visite illégitime, pour constater la qualité de négrier, et le déguisement de la propriété espagnole sous le caractère américain. »


Ainsi la jurisprudence de la haute cour d’amirauté d’Angleterre, celle des tribunaux mixtes institués pour la répression de la traite des nègres, sont entièrement d’accord avec la doctrine émise à Aix-la-Chapelle par lord Castlereagh, et à Vérone par le duc de Wellington, qui a d’ailleurs soutenu, en 1839, les mêmes principes devant le parlement.


Je pourrais à la rigueur me dispenser de rechercher quelle a été la pratique des nations maritimes en ce qui touche le droit qui nous occupe, car la pratique, pour être légitime, doit être conforme à la doctrine ; mais comme on a cherché à se prévaloir des abus commis par la marine anglaise, et comme on a imputé à la marine française des abus qu’elle n’a pas commis, pour ériger ensuite ces abus en droits consacrés par l’usage, il importe d’éclaircir tous les doutes qui pourraient s’élever à cet égard.

Dans la discussion du 27 juin dernier, à l’occasion du crédit extraordinaire demandé aux chambres pour la formation et l’entretien de la croisière française sur la côte d’Afrique, l’argumentation de M. le ministre des affaires étrangères a porté sur ce point, que, aux termes de la loi de 1825, le fait de naviguer sans papiers de bord ou avec des papiers de bord délivrés par plusieurs puissances devenant un cas de piraterie, la marine française a visité, depuis 1825, sur le soupçon de piraterie, les navires étrangers dans tous les cas où elle sera appelée à les visiter aujourd’hui en vertu de la convention nouvelle, c’est-à-dire sur le simple soupçon d’avoir arboré un faux pavillon.