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difficilement en France. Il ne faudrait pas trop s’étonner si lord Lansdowne, déjà chancelier de l’échiquier en 1807, ministre de l’intérieur en 1827, président du conseil privé en 1830, héritier d’un grand nom et possesseur d’une immense fortune, avait vu avec déplaisir les préférences de la couronne porter sur un cadet de famille doté d’un revenu assez mince, et comparativement nouveau dans la carrière politique. Le caractère de lord Lansdowne est trop honorable pour que l’on ait le droit de supposer qu’il a poussé la logique du mécontentement jusqu’à dissoudre de propos délibéré la combinaison à laquelle il était appelé à concourir ; mais la froideur qu’il y apportait a dû très certainement réagir sur les dispositions de ses collègues.

Au reste, le malentendu qui existait entre les membres présumés du ministère, ce n’est pas lord Lansdowne, c’est lord Grey (lord Howick) qui l’a fait éclater. Lord Grey passe pour avoir un caractère difficile, pour être le dissolvant de toute combinaison dans laquelle on l’admet. Il s’était séparé, en 1839, du cabinet présidé par lord Melbourne, et lord John Russell n’ignorait, pas, en lui demandant son concours, qu’il désapprouvait la politique suivie en 1840 à l’égard de la France. Il y avait là des incompatibilités que l’on pouvait prévoir, ou dont il fallait prendre son parti ; lord John Russell n’a fait ni l’un ni l’autre.

Dans la distribution des portefeuilles, lord John Russell ayant offert à lord Grey le ministère des colonies, celui-ci s’empressa d’accepter ; mais il demanda à savoir à qui serait confié le ministère des affaires étrangères. Le premier ministre ayant fait connaître que ce poste était réservé à lord Palmerston, lord Grey déclara qu’il verrait avec plaisir lord Palmerston au nombre de ses collègues, mais qu’il ne pouvait pas siéger dans un cabinet où le ministre qui dirigeait les relations extérieures en 1840 se trouverait appelé à remplir les mêmes fonctions. Nous avons lieu de croire que l’objection soulevée par lord Grey existait dans la pensée de la plupart de ses collègues ; il a eu seul le courage de dire tout haut ce que d’autres se contentaient de penser tout bas.

Laissons de côté les impressions que le nom de lord Palmerston a pu produire en France. Ne recherchons pas même si les craintes manifestées par les capitalistes en Angleterre et si l’exclusion donnée par des membres du même parti à l’homme qui les servit si long-temps était une expiation nécessaire de ses fautes. Lord Grey ne considère pas comme viable un ministère dont lord Palmerston fait partie, et