Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

foulée aux pieds. Des mouvemens analogues ont eu lieu dans d’autres villes du pays. De nombreux officiers bohèmes sont allés rejoindre les insurgés. Une foule d’arrestations ont eu lieu dans le royaume, et entre autres celle du prince de Rohan et du comte de Thun, parent de M. de Fiquelmont. Les Slovaques de Hongrie, frères de sang des Bohêmes, se sont également ameutés sur plusieurs points. Les comitats de Lipta et d’Arva, les plus voisins de la Gallicie, ont taché, dit-on, à plusieurs reprises de se mettre en communication avec Cracovie. Enfin on a vu, à la nouvelle de l’insurrection, les régimens slaves de Mazzucheli et de Bertoletti, cantonnés à Léopol, désorganisés, ou plutôt détruits par la désertion. Le mouvement n’était donc pas seulement polonais ; il était encore, il était surtout slave, et c’est ce qui lui garantit une durée plus longue qu’on ne le pense. Étouffé en apparence, il continuera de se propager dans l’ombre jusqu’à ce que tous les Slaves soient libres.

On sait maintenant à quoi s’en tenir sur l’accusation de communisme intentée par les trois puissances contre les patriotes polonais. Ceux qui avaient conçu ce communisme, c’étaient les plus riches propriétaires de Pologne, des hommes comptant depuis deux jusqu’à dix millions de fortune ; c’étaient des princes dont les aïeux ont rempli l’histoire du récit de leurs exploits, c’étaient les fils de ces généraux polonais du temps de Napoléon, qui ont rendu tant de services à la France. Et tous ont reconnu sans aucune répugnance pour leur président civil M. Louis Gorzkowski, simple préparateur du cabinet de physique de l’université de Cracovie, et pour dictateur militaire un jeune médecin, M. Jean Tyssowski. Suivant ces beaux exemples d’abnégation civique et de soumission à la révolution démocratique proclamée dans leur patrie par la nouvelle génération, les émigrés habitant Paris se sont tous réunis dans une seule et même pensée de fraternité et de patriotisme. Il y a eu un moment vraiment digne de souvenir, celui où le prince Adam Czartoryski, entouré de Polonais de toutes les opinions, a solennellement désavoué ceux qui l’avaient jusqu’à présent reconnu comme roi présomptif de Pologne, déclarant que, loin d’aspirer à tirer profit pour lui-même de ses longs sacrifices, il serait heureux d’obéir comme le dernier des citoyens à tout gouvernement national qui réussirait à se constituer en Pologne. Peut-on accuser de tendances communistes une insurrection qui a obtenu de telles adhésions ?

Ce sont pourtant ces mêmes patriotes qui, au dire de la Gazette d’Augsbourg et des rapports de police autrichiens, devaient faire main