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politique peut paraître fort rapprochée, je le sais, de celle de Hobbes, de Hume, de Machiavel ; mais, s’il y a un machiavélisme qui, est petit, le véritable ne l’est pas. Dans le discours qu’il adressait à Léon X sur la réforme du gouvernement de Florence, ce grand homme (Machiavel) disait : « Les hommes qui, par les lois et les institutions ont formé les républiques et les royaumes, sont placés le plus haut, sont le plus loués après les dieux. »

En étudiant d’original cette variété de personnages qui viennent comme témoigner sur eux-mêmes dans le recueil de M. Mignet, on en rencontre un pourtant, une seule figure à joindre à celles des grands politiques intègres et dignes d’entrer, à la suite des meilleurs et des plus illustres de l’antiquité, dans cette liste moderne si peu nombreuse des Charlemagne, des saint Louis, des Washington : c’est Jean de Witt, lequel à son tour a fini par être mis en pièces et dilacéra au profit de cet autre grand politique moins scrupuleux, Guillaume, d’Orange ; car ce sont ces derniers habituellement qui ont le triomphe définitif dans l’histoire. Osons bien nous l’avouer, oui, c’est au prix de cette connaissance et aussi de cet emploi du mal que le monde est gouverné, qu’il l’a été jusqu’ici. Honneur et respect du moins, quand l’esprit supérieur et le grand caractère qui ne recule devant rien fait entrer dans ses inspirations un sentiment élevé, un dévouement profond à la puissance publique dont il est investi, quand il se propose ; un but d’accord avec l’utilité ou la grandeur de l’ensemble ! Quoi qu’il ait fait alors, et fût-il Cromwell, il est absous comme en Égypte par le tribunal suprême, et il entre à son rang dans les pyramides des rois.

La lecture de cette histoire d’un nouveau genre, au moment où on l’achève, laisse une singulière impression. On ne peut se dissimuler que, malgré tous les soins et l’art ingénieux de l’historien-rédacteur, elle ne soit souvent pénible et lente à cause de la nature des pièces et instrumens qu’elle porte avec elle et qu’elle charrie ; et pourtant, quand on en sort, non pas après l’avoir parcourue (je récuse ces gens, qui parcourent), mais après l’avoir lue dans son entier, on se sent dégoûté des autres histoires comme étant superficielles, et il semble qu’on ne saurait dorénavant s’en contenter. Mais on ne saurait non, plus, par le besoin de tout bien savoir, se réduire désormais à ce régime d’histoire purement diplomatique, dont l’objet est surtout d’enregistrer les textes, et de faire passer avec continuité sous les yeux la teneur même des dépêches, actes et traités. Au reste, il n’est guère à craindre qu’un tel genre, excellent dans l’application présente, devienne