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la Providence dans l’ordre successif des choses, il a toujours mis à part l’intention morale.

L’auteur n’a jamais fait réimprimer son premier écrit, auquel il ne rend peut-être pas toute la justice qui lui est due ; il en a repris depuis et rectifié plusieurs des idées principales dans le mémoire sur la Formation territoriale et politique de la France, lu à l’Académie des sciences morales en 1838. Dans ce dernier travail mis en regard du premier, saint Louis reste grand sans paraître aussi isolé ni aussi inventeur ; il ne rejoint Charlemagne que moyennant des intermédiaires et en donnant la main à Philippe-Auguste. Les successeurs de saint Louis sont appréciés selon leur importance monarchique avec une mesure mieux graduée : Charles V conduit à Charles VII qui reste très important, mais Louis XI y est relevé du jugement rigoureux qui, en s’appliquant à l’homme, méconnaissait le roi. De même Richelieu, amoindri d’abord, demandait à être replacé à son vrai rang et bien moins en tête des ambitieux ministres que dans la série même des rois. J’ai noté les inexpériences inévitables au début, même de la part d’une pensée si ferme et si nourrie : ce qui n’empêche pas ce petit écrit d’être supérieur et de rester à beaucoup d’égards excellent.

Son succès académique amena naturellement M. Mignet à Paris en juillet 1821, et M. Thiers l’y suivit deux mois après. Les deux amis visaient à la capitale, et ils s’étaient dit que le premier qui y mettrait le pied tirerait à lui l’autre. Je ne reviendrai pas sur ces commencemens déjà exposés. Pendant que M. Thiers entrait au Constitutionnel par M. Étienne, M. Mignet arrivait par Châtelain au Courrier, et y prenait rang d’abord dans des articles sur la politique extérieure qui eurent l’honneur d’être remarqués de M. de Talleyrand. Celui-ci y trouva même sujet d’écrire à celui qui pouvait devenir un juge l’un de ces rares petits billets qui semblèrent de tout temps la suprême faveur. Ce fut l’origine d’une liaison bien flatteuse et qui, en ayant ses charges, rendait beaucoup. Dès 1821, on offrait au jeune écrivain de faire une Histoire de la Révolution française ; on lui proposait aussi de donner un cours à l’Athénée de Paris, et il y professa une année sur la Réformation et le XVIe siècle, une autre année sur la Révolution et la Restauration d’Angleterre.

Parallélisme de la révolution anglaise avec la nôtre dans ses différentes phases et dans son mode de conclusion, c’est là précisément la thèse que M. Mignet soutiendra plus tard dans la polémique du National ; il y préluda dès le premier jour, aussi bien qu’à cette histoire de la réformation qu’il devait développer et mûrir à travers tant d’autres