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son système. A propos des similitudes frappantes et presque des symétries d’accidens qui sautent aux yeux entre l’avènement de la seconde race et celui de la troisième, il disait : « Cette analogie de causes et d’effets est remarquable, et prouve combien les choses agissent avec suite, s’accomplissent de nécessité, et se servent des hommes comme moyens, et des évènemens comme occasions. » Après avoir montré dans saint Louis le principal fondateur du système monarchique, il suivait les progrès de l’œuvre sous les plus habiles successeurs, et faisait voir avec le temps la royauté de plus en plus puissante et sans contrôle, roulant à la fin sur un terrain uni où elle, n’éprouva pas d’obstacle, mais où elle manqua de soutien ; si bien qu’un jour « elle se trouva seule en face de la révolution, c’est-à-dire d’un grand peuple qui n’était pas à sa place et qui voulait s’y mettre, et elle ne résista pas.

Ainsi, ajoutait-il en se résumant, depuis l’origine de la monarchie, ce sont moins les hommes qui ont mené les choses que les choses, qui ont mené les hommes. Trois tendances générales se sont tour à tour déclarées et accomplies : sous les deux premières races, tendance générale vers l’indépendance, qui finit par l’anarchie féodale ; sous la troisième, tendance générale vers l’ordre, qui finit par le pouvoir absolu ; et après le retour de l’ordre, tendance générale vers la liberté, qui finit par la révolution. »

C’est de cette idée que M. Mignet partira bientôt pour entamer son Histoire de la Révolution ; l’introduction qu’il mit en tête de celle-ci ne fait que développer la visée première ; même lorsqu’il aborda le sujet tout moderne, il ne le prenait pas de revers ni à court, comme on voit, il s’y poussait de tout le prolongement et comme de tout le poids de ses études antérieures.

Si M. Mignet se produisait déjà si nettement dans son premier ouvrage par l’expression formelle de la pensée philosophique qu’il apportait dans l’histoire, il ne s’y donnait pas moins à connaître par le sentiment moral qui respire d’une manière bien vive et tout-à-fait éloquente dans les éloges donnés à saint Louis, à ce plus parfait des rois, du si petit nombre des politiques habiles qui surent unir le respect et l’amour des hommes à l’art de les conduire. J’insiste sur ce point parce que beaucoup de gens qui s’élèvent contre le système de la fatalité historique, ont cru y voir la ruine de tout sentiment moral. Le pas en effet est glissant, et la confusion se peut faire sans trop d’effort, si l’on n’y prend garde : M. Mignet du moins ne l’a jamais entendu ainsi, et, quel qu’ait été, selon lui, le rôle assigné aux individus par le destin ou