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pour 100 du mouvement général ; mais celle des navires français n’est en réalité que de 31 pour 100. Ces deux chiffres indiquent les véritables rapports qui existent, dans nos propres ports, entre notre marine et la marine étrangère. L’infériorité qu’ils accusent n’est pas flatteuse pour notre pavillon. Elle l’est d’autant moins, que cette proportion de 31 pour 100, si faible qu’elle paraisse, n’a été atteinte par notre marine qu’à la faveur d’un grand nombre de droits différentiels et de divers artifices de législation qu’il serait superflu de rappeler.

A quoi faut-il attribuer cette extrême infériorité de notre marine marchande, que tant d’autres faits constatent ? Il serait utile d’en rechercher les causes, et surtout d’en découvrir le remède : ce serait là, un sujet intéressant que nous recommanderions volontiers à toute l’attention de la législature ; mais, si l’on voulait une fois aborder sérieusement un sujet si grave, il faudrait, au lieu de s’arrêter à la surface, à des circonstances accessoires et très souvent insignifiantes, se porter au cœur même de la question. On accuse quelques traités de navigation, dont les avantages sont plus ou moins contestables. Évidemment la cause du mal n’est pas là ; elle est toute dans la cherté relative de notre navigation, qui oblige notre pavillon à reculer devant les autres sur toutes les mers. C’est donc cette cherté qu’il faut combattre avant tout. Si on en cherchait le remède avec un esprit dégagé de toute prévention étroite, on le trouverait sans aucun doute, comme tant d’autres, dans l’application du grand principe de la liberté du commerce, et particulièrement dans l’extension de nos relations avec ces pays du nord dont nous parlions plus haut.

Ce qu’il y a de plus déplorable, c’est de voir que notre marine marchande, loin de grandir à mesure que notre commerce extérieur se développe, tend au contraire à décroître de jour en jour. On en jugera par le tableau suivant

Tonnage – Entrées et sorties réunies
Quantités exprimés par 100 tonneaux


Navigation 1839 1840 1841 1842 1843 1844
Française réservée 404 383 421 457 466 485
Id. de concurrence 939 828 784 680 739 771
Étrangère 1,587 1,685 1,887 2,002 2,042 2,032
TOTAUX 2,930 2,896 3,092 3,139 3,247 3,288

Ainsi le total des entrées et des sorties dans nos ports, qui n’était en 1839 que de 2,930,000 tonn., s’est élevé en 1844 à 3,288,000 tonn. C’est une augmentation correspondante à celle du commerce extérieur,