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douter que les importations de la France ne se composent en très grande partie de matières nécessaires à l’industrie et d’objets de consommation naturels, tandis que ses exportations sont principalement alimentées par les produits de ses manufactures. Il reste donc constant qu’à ce point de vue la France est avant tout un pays de fabrique, et que c’est particulièrement à ce titre qu’on la voit figurer sur le marché du monde.

Que d’interprétations à faire sur ce seul fait ! Malheureusement les états officiels se bornent à le constater sans en déterminer les causes, et laissent ainsi le champ libre à toutes les théories contraires. En présence de cette énorme importation de matières premières et de produits naturels que la douane signale, les uns prétendent qu’il faut se hâter d’y mettre un terme ; ils s’indignent ou s’alarment : ils s’écrient que notre agriculture est en péril, que l’invasion des produits étrangers, en supplantant les nôtres, la menace et la ruine, et qu’il faut arrêter cette invasion croissante par une large surélévation des droits protecteurs ou même par des prohibitions. D’autres, plus touchés, à ce qu’il semble, des intérêts de l’industrie manufacturière, se réjouissent de cette abondante importation de matières premières et de produits naturels, la considérant comme nécessaire, soit à l’alimentation de nos manufactures, soit à la subsistance ou à l’entretien de la classe ouvrière qui les fréquente. Quelques-uns enfin, mieux avisés selon nous, pensent qu’après tout il n’est pas bon que la France se voie forcée de tirer sans cesse du dehors des quantités si considérables de produits agricoles, sans être jamais en mesure de vendre à l’étranger des quantités équivalentes de produits du même ordre ; que l’agriculture nationale souffre de cet état de choses, qui diminue à la fois son importance et son activité ; qu’il vaudrait mieux enfin que nos manufactures fussent plus largement alimentées par les produits de notre propre sol, ou du moins que ces produits trouvassent, en compensation du débouché qui leur échappe au dedans, un débouché pareil au dehors ; mais ils pensent aussi que la cause du mal dont on se plaint est précisément dans l’existence de ces droits protecteurs que l’on invoque pour y mettre un terme, et que le remède véritable est dans le retour à une liberté complète. En théorie, ils prouvent que les droits protecteurs n’ont d’autre effet, en ce qui concerne les produits du sol, que d’en exhausser les prix à l’intérieur et d’en rendre par là l’écoulement impossible au dehors, sans arrêter pour cela l’introduction des denrées étrangères. En fait, ils montrent que les mêmes causes produisent en tous lieux les mêmes effets, et que la situation actuelle de la France répond exactement