Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1079

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la première période, qui va de 1830 à 1834, a été singulièrement tourmentée. Aucune des grandes commotions qui soumettent le commerce d’un pays à de rudes épreuves n’a été épargnée à ces années d’angoisses. C’est d’abord une révolution qui renverse un trône et qui ébranle l’état ; ensuite les partis aux prises et l’émeute en permanence dans les rues ; le peuple sans cesse en émoi, menaçant ou la propriété ou le trône, et la bourgeoisie toujours armée pour les défendre ; les ateliers désertés ; la guerre sur la frontière ; un vaste appel aux armes ; la France, indignée et frémissante en face de l’Europe qui la menace ; au milieu de tout cela, une disette de céréales qui se prolonge durant trois ans ; des crises financières et commerciales se succédant les unes aux autres, et devenues, pour ainsi dire, chroniques ; le crédit privé anéanti, le crédit public en péril, et les finances de l’état épuisées, et pour couronnement de l’œuvre la rente 5 pour 100 tombée à 63 francs. Tel est le tableau fidèle de cette époque, et ce tableau se rapporte plus ou moins à toutes les années de la période, puisque c’est en 1830 que l’agitation commence, et en 1834 que la dernière grande émeute est réprimée. Le contraste est donc, à cet égard, bien prononcé entre les deux périodes que nous comparons. Eh bien ! ce contraste se fait assez profondément sentir dans les relevés de la douane ; mais veut-on savoir à quels traits ? Les partisans de la balance du commerce ne le croiront jamais tant qu’ils n’auront pas consulté eux-mêmes les publications officielles qui l’attestent. Ce qui signale ce contraste, c’est que, dans la première période, dans la période calamiteuse, la balance du commerce nous est constamment et assez largement favorable, tandis que, dans la seconde, dans cette période qui n’a guère connu que des jours prospères, cette même balance est très décidément contre nous.

On peut voir, en effet, que, pour les cinq années de 1830 à 1834, la somme totale des importations n’est que de 3,217 millions, tandis que la somme des exportations s’élève à 3,368 millions : différence en faveur des exportations, 151, soit en moyenne environ 30 millions par an. Au contraire, dans la troisième période, c’est la somme des importations qui excède celle des exportations de l’énorme chiffre de 539 millions, ou en moyenne environ 108 millions par an. Ainsi, quand le commerce et l’industrie sont en souffrance, la théorie de la balance nous apprend que le pays prospère et s’enrichit, et quand, au contraire, le commerce et l’industrie sont visiblement florissans, plus florissans peut-être qu’ils ne l’ont été à aucune autre époque, cette même balance nous annonce hautement que la France se ruine. Ce qui est