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qui n’a qu’une responsabilité collective et abstraite, elle substituait un chef suprême chargé d’une surveillance administrative, un chef personnellement responsable, et par là même placé dans l’impossibilité de continuer le désordre qui jusque-là ne retombait sur personne ; elle créait dans l’administration supérieure des spécialités positives, et posait pour principe que les’ cinq classes de l’Institut seraient toujours représentées dans le conservatoire ; elle créait également des spécialités dans les emplois subalternes ; enfin elle améliorait d’une façon notable la situation des employés. Malheureusement, elle avait contre elle de fortes apparences d’illégalité, en ce qu’elle bouleversait la loi de l’an IV, et cette loi, ainsi que le disait en 1832 M. Hippolyte Royer Collard, chef de la division des lettres, dans son rapport à M. Guizot, cette loi ne peut être changée par une ordonnance que dans les mesures administratives et réglementaires que prescrivent certains articles de son texte. Ce qui est véritablement légal, par conséquent ce qui ne peut être modifié que par une loi, c’est la partie organique, ce qui est relatif au pouvoir du conservatoire, à sa constitution, à ses attributions, et c’est précisément sur ce point que portait la réforme. Ce côté vulnérable ne pouvait échapper à la sagacité de MM. les conservateurs. L’administration de la rue Richelieu répondit par un manifeste très vif à l’ordonnance ministérielle[1], en concluant toujours sur elle-même par une apologie. Bous ne raconterons point ici dans le détail toutes les péripéties de cette guerre, et nous nous bornerons, en constatant tout simplement les faits administratifs, à dire sans commentaire que l’ordonnance de M. de Salvandy fut rapportée la même année par M. Villemain, qui remit en vigueur, sauf quelques légères modifications, le régime de 1832.

Voilà donc, en remontant à moins de vingt ans dans le passé, quatre révolutions, contre-révolutions et coups d’état qui s’accomplissent dans l’administration de la Bibliothèque, et, malgré tant d’essais de réforme, on trouve à grand’peine quelques améliorations appréciables pour le public. La même incertitude a régné jusqu’ici dans la question du déplacement, et l’histoire des utopies architectoniques qui ont été faites à ce sujet demanderait à elle seule plusieurs pages. La discussion, qui s’agitait déjà en 1787, fut reprise en l’an IX, ranimée de nouveau vers 1810, ajournée comme toujours, et reprise dans les dernières années de la restauration. À cette époque, M. Visconti, architecte de la Bibliothèque, présenta un plan de restauration générale ; ce plan fut approuvé en 1831 par une commission spéciale, et l’on commença l’année suivante, du côté de la rue Vivienne, une galerie dont les travaux furent poussés avec la plus grande activité pendant trois mois ; puis, on les suspendit tout à coup après avoir enfoui cinq cent mille francs dans les fondations et les premières assises. En 1834, en 1838, en 1844, des commissions nouvelles furent nommées pour étudier la question, et elles insistèrent toutes

  1. Lettres des conservateurs de la Bibliothèque royale à M. le ministre de l’instruction publique, in-8o, 1839.