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bis, ter, quater, et a obligé de multiplier les sous-chiffres, jusqu’à produire, dans le numérotage et dans le catalogue, une confusion inextricable. » Deux cent mille volumes environ ont été ainsi intercalés, et, pour un grand nombre d’ouvrages, les numéros surchargés de chiffres additionnels et d’exposans sont devenus de véritables formules algébriques, témoin ce numéro d’ordre

Z, 2284
2 Z-D
500.

Procéder de la sorte, c’était s’enfoncer chaque jour plus avant dans un labyrinthe sans issue. On finit par le reconnaître, et, pour couper le mal dans ma racine, on demanda des crédits supplémentaires. En 1838, une annuité de 13,000 francs fut affectée pour douze ans aux travaux du catalogue. En 1843, la chambre trouva sans doute que ces travaux ne marchaient pas assez vite ; elle voulut bien, comme on l’a dit, n’accuser du retard que ce qu’on appelait la parcimonie de la première allocation, et elle porta l’annuité à 40,000 fr., « espérant, disait le rapporteur, qu’il serait possible de terminer le catalogue long-temps avant l’expiration des douze années, et de faire ainsi profiter plus promptement la Bibliothèque des avantages qui y sont attachés. » Les crédits ont encore six années à courir ; dans six ans, on aura dépensé une somme totale de 345,000 fr. ; cette somme épuisée, aura-t-on enfin le catalogue ? Quelques bibliographes pessimistes commencent à désespérer, et la marche suivie jusqu’à ce jour a été de leur part l’objet de diverses critiques.

En commençant, disent-ils, par recopier, pour toute la partie déjà cataloguée, les anciens inventaires, au lieu d’opérer sur les livres même, on a indiqué des livres perdus depuis long-temps, et chacun sait par expérience que le nombre en est considérable. On a de plus reproduit de singulières bévues, et les erreurs étaient si grandes, qu’on assure que près de trois cent mille cartes ont été mises au pilon. Ce premier travail terminé, on s’est aperçu que, pour arriver à l’exactitude, il fallait vérifier sur les ouvrages même, et comme cette vérification était très difficile, pour ne pas dire impossible, on a recommencé à nouveaux frais en opérant sur les livres. Le travail languit faute de direction suffisante ; tandis qu’on inventorie les ouvrages anciens, on laisse les ouvrages nouveaux s’entasser au hasard, et, au train dont vont les choses, il restera toujours pour les acquisitions annuelles et le produit du dépôt légal un arriéré de cent mille volumes ; de plus, quand toutes les cartes auront été relevées, on n’aura encore qu’un inventaire, et il faudra recommencer de nouveau l’œuvre la plus difficile, la plus importante, la table méthodique ; car le catalogue alphabétique, qui peut satisfaire à certains besoins du service, est tout-à-fait insuffisant pour les recherches sérieuses.

Impatientés de ces retardemens, les bibliographes, après avoir fait des critiques, ont fait des projets. Les uns ont proposé de soumissionner l’entreprise du catalogue, ce qui n’était, je pense, qu’une épigramme détournée. D’autres ont demandé de fermer le dépôt, d’interdire le prêt, de suspendre