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si grande, que, dans un voyage qu’il fit en Italie, l’auteur du Jeune Anacharsis emporta la clé des collections, qui restèrent deux ans fermées. Sans doute, cette défiance avait de graves inconvéniens, mais du moins, comme compensation, l’aménagement intérieur était admirable, et les visiteurs disaient avec un bibliophile du XVIIIe siècle : « On ne peut rien ajouter au bel ordre et à la distribution de ce bel établissement. » Aujourd’hui, trouve-t-on encore ce bel ordre qu’on admirait autrefois ?


II.

La Bibliothèque du roi, on le sait, est divisée en quatre grandes sections e imprimés, — manuscrits, — estampes, cartes et plans, — médailles. Nous allons, dans notre exploration, suivre pour ainsi dire l’ordre chronologique. Nous visiterons d’abord les médailles, qui nous reportent aux origines de l’histoire ; nous irons chercher ensuite le moyen-âge aux manuscrits, pour passer de là à la partie vraiment encyclopédique, aux imprimés, où viennent se confondre l’antiquité, le moyen-âge et la société moderne.

C’est à François Ier qu’on doit, chez nous, la formation de la plus ancienne collection de médailles. Cette collection, commencée au garde-meuble de la couronne, se composait primitivement d’une vingtaine de pièces d’or, d’une centaine de pièces d’argent, et, tout en laissant au père des lettres la gloire de l’initiative, on peut croire que ce fut là pour lui une fantaisie de luxe plutôt qu’une affaire de science, car il fit incruster ses médailles sur des assiettes et sur des plats, de telle sorte que, dans ce grand siècle de la renaissance, la numismatique au berceau ne fut qu’un appendice de la vaisselle royale. Henri II ajouta à la collection de son père quelques monnaies antiques recueillies par Catherine de Médicis ; Charles IX et Henri IV s’occupèrent également de réunir de nouvelles richesses, nais le cabinet ne commença à prendre une véritable importance que sous Louis XIV. A cette date, il s’augmenta rapidement par des achats, des legs, des voyages. Parmi les explorateurs qui contribuèrent le plus à l’enrichir, on cite Pellerin, l’homme le plus heureux de son siècle en trouvailles numismatiques, et Vaillant, qui poussa le dévouement jusqu’à risquer sa vie en avalant, pour les sauver des Algériens, les plus précieuses des pièces qu’il avait rassemblées dans ses explorations. La science n’y perdit rien, mais le numismate faillit en mourir.

La révolution, par les dépouilles des maisons religieuses, l’empire, par ses conquêtes, ajoutèrent d’importans trésors à ceux que la vieille monarchie avait rassemblés à grands frais ; mais, en 1815, la défaite nous enleva ce que la victoire nous avait donné, et deux fois en moins de cinquante ans, le 26 pluviose an XII et le 5 novembre 1831, des voleurs pénétrèrent dans le cabinet des médailles, et signalèrent leur présence par des soustractions déplorables. Quoi qu’il en soit, la collection est encore, dans son ensemble, la plus riche de l’Europe, car elle se compose de cent quarante mille pièces environ, quatre-vingt mille pour l’antiquité, soixante mille pour les temps