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de modifier plusieurs des statuts : la crèche ne reçoit que les enfans dont les mères se conduisent bien[1]. Nous n’approuvons guère cette charité exclusive qui regarde aux mœurs de la personne secourue plus qu’à ses besoins et aux infirmités du premier âge. Ce ne sont d’ailleurs pas les femmes d’une conduite irréprochable, d’une vie sévère, qui abandonnent leurs nouveau-nés. En allégeant à ces dernières le fardeau de la maternité, vous faites sans doute une œuvre méritoire ; mais cette œuvre, ainsi restreinte, n’exerce plus aucune influence sur les expositions d’enfans trouvés, qui restent en dehors de votre prévoyance inutile. Il faut transporter aux crèches la liberté qui existe pour les tours, si l’on tient sérieusement à remplacer une institution qui favorise les causes du délaissement par une autre institution plus morale qui les prévienne. Le second inconvénient est dans la distance : une femme perdra une partie de sa journée, l’hiver par la gelée, presque toute l’année par la pluie, s’il faut qu’elle apporte, loin de chez elle, le matin, qu’elle allaite à midi et qu’elle reprenne le soir son nouveau-né. Pour que la crèche fût recherchée par l’ouvrière, il serait nécessaire que la crèche se trouvât toujours à la portée de son domicile. On voit combien ces établissemens auraient besoin d’être multipliés. Nous avons visité tout ce qui existe jusqu’ici dans Paris, et ce que nous avons visité est encore peu de chose. C’est moins une œuvre faite que le noyau d’une œuvre. Du reste, l’idée nous semble féconde, et peut avoir d’heureux développemens. Une bonne étoile s’arrêtera, nous n’en doutons pas, sur ces établissemens si utiles, sur ces crèches où déjà l’enfant du pauvre est entouré d’un bien-être qui manquait au petit enfant de l’Évangile. Il faut maintenant que la bienfaisance vienne au secours de l’œuvre imparfaite. Si votre charité hésite encore, mères, regardez votre enfant ! Femmes du monde, donnez un berceau pour que le berceau de votre nouveau-né ne soit jamais vide !

Nous arrivons à un dernier moyen d’éteindre les expositions : c’est la recherche de la paternité. Dans l’état actuel des choses, l’enfant est puni, la mère est punie : est-il juste que l’homme qui est le plus coupable, souvent même le seul coupable, soit le seul aussi qui échappe au châtiment ? On objecte que le secours payé par le séducteur à la mère de l’enfant constituerait un privilège en faveur de la richesse. Ce privilège existe déjà ; tout le monde sait que ce sont les jeunes gens riches et oisifs qui, pour passer le temps, font œuvre de séduire les

  1. Premier article du règlement.