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avait eu une primauté, elle eût été pour celui de Tezcuco, qui se distinguait par sa culture intellectuelle et morale. Réunis, ils ne dépassaient pas l’enceinte de la vallée de Mexico, qui n’a pas plus de 300 à 400 kilomètres de tour. L’organisation intérieure des trois royaumes était à peu près la même, ce qui était naturel à des nations d’une même souche, parlant les dialectes d’une même langue. Peu à peu ils éprouvèrent cette vérité bien connue, mais trop peu pratiquée, que l’association fait la force. Ils étendirent leur domination au loin et s’incorporèrent de nombreuses nations. Celui des trois qui gagna le plus fut l’empire aztèque, peuplé d’une race plus active, plus résolue, plus fière, et d’une énergie supérieure. A l’arrivée des Espagnols, l’empereur mexicain exerçait sur les deux princes ses confédérés une suprématie incontestée. Il les consultait toutes les fois que se présentait une circonstance grave, mais on peut dire qu’ils n’étaient plus que les premiers de ses vassaux.

L’organisation politique était militaire et théocratique, non cependant sans plusieurs restrictions ; il semble que tel doive être constamment le point de départ des grandes sociétés. Cependant elle différait de l’Inde et de l’antique Égypte en ce que la nation n’était point partagée en castes dont il fût impossible de franchir les barrières. Les enfans prenaient d’ordinaire la profession de leurs parens, mais c’est ce qui arrive communément dans toute société qui est assise. Il y avait une noblesse, à plus d’un degré même, possédant des immunités, telles que l’exemption des taxes ; mais ce que j’appellerais dans le style européen les charges de l’état n’étaient point héréditaires. L’empereur les déléguait à qui se recommandait par ses exploits. Dans la famille impériale elle-même, quand les enfans étaient trop jeunes, le frère du monarque défunt leur était préféré. Un noble ne dérogeait pas en s’appliquant à l’industrie. « Livre-toi, disait un père noble à son fils, au travail des champs, ou aux ouvrages en plumage ; choisis enfin une profession honorable ; Ainsi ont fait tes ancêtres avant toi, autrement comment auraient-ils subvenu à leur existence et à celle de leur famille ? Je n’ai vu nulle part qu’on puisse se suffire à soi-même par sa seule noblesse. » De pareilles idées supposent entre les privilégiés et le commun des hommes l’absence d’une démarcation profonde. Aussi tout homme qui se distinguait à la guerre était-il anobli. « C’est la coutume, dit l’un des acteurs de la conquête, de récompenser et de payer très généreusement les gens de guerre qui se distinguent par une action d’éclat. Quand ce serait le dernier des esclaves, ils le font capitaine, l’anoblissent, lui donnent des vassaux, et il jouit d’une si grande estime, que