Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/990

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement, par un Indien de sa descendance directe qui a écrit en espagnol, Ixtlixochitl, sont d’une rare beauté. Quant à ses idées religieuses, c’est à croire qu’il avait conversé avec Platon ou avec saint Paul. Après avoir regagné le trône de ses pères, il accorda une amnistie générale en prononçant ces paroles : « Un roi punit, mais ne se venge pas. » Il semble qu’on entend Louis XII disant que le roi de France ne venge pas les injures du duc d’Orléans. C’est lui qui éleva un temple magnifique, avec cette inscription sur l’autel, qui rappelle celle de l’Aréopage si heureusement relevée par saint Paul : Au Dieu inconnu, cause des causes. Et si l’on veut juger du caractère de sa poésie, voici un extrait décoloré d’une de ses odes[1].


« Les pompes passagères de ce monde sont comme des saules verts qui, bien qu’ils arrivent à un âge avancé, finissent par être consumés par le feu. La hache les renverse, un ouragan les déracine, la vieillesse et la décrépitude nous courbent et nous attristent.

« Toutes choses sur la terre sont destinées à périr. Au comble de la splendeur, au milieu de l’ivresse de la joie, une faiblesse impitoyable s’en saisit, et elles tombent en poussière.

« Le globe est un sépulcre. De tout ce qui s’élève et vit à sa surface, il n’est rien qui ne doive rentrer sous terre. Les rivières, les torrens et les sources descendent en courant, sans jamais remonter aux lieux plaisans qui les virent naître. Ils se hâtent comme s’il leur tardait de se précipiter dans les gouffres sans fond de Tluloca (le dieu de la mer). Ce qui était hier n’est plus aujourd’hui, et de ce qui subsiste aujourd’hui, qui peut dire ce qui restera demain ?

« La pourriture des tombeaux, ce sont les corps qu’animait jadis l’ame vivante d’hommes puissans qui s’asseyaient sur des trônes, présidaient des assemblées, menaient les armées à la victoire, soumettaient des empires, se faisaient décerner les hommages et les adorations des hommes, se gonflaient d’un vain orgueil, se gorgeaient de domination.

« Mais toutes ces gloires se sont dissipées comme la fumée menaçante que lance la bouche du Popocatepetl[2], et ce qui reste de toutes ces vies pompeuses se réduit à une peau grossière sur laquelle le chroniqueur a tracé quelques lignes. »


Vient ensuite une strophe où le roi législateur et poète semble

  1. M. Ternaux, dans sa collection, en a reproduit, d’après Granados y Galvez, le texte otomite avec la traduction espagnole du même, qu’il a mise en français, il y a joint une autre ode qu’on pourrait qualifier de lamentation, en espagnol et en français.
  2. Volcan élevé et couvert de neige qui domine la vallée de Mexico.