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ce corps et participaient à ses travaux, de même que Napoléon était de l’Institut. Ils s’honoraient d’avoir pour confrères, en cette qualité, les hommes les plus instruits du pays, quelle que fût leur naissance. Comme conseil de censure, cette assemblée avait à juger les ouvrages d’astronomie, d’histoire, de chronologie et de toute science, avant qu’ils fussent livrés au public ; mais son action n’était pas toujours préventive, car il paraît qu’elle reprenait les auteurs et les punissait, et on retrouve ici un exemple de la cruauté du code pénal de ces peuples : le mensonge historique, lorsqu’il était commis de propos délibéré, était puni de mort. C’était enfin un conseil général de l’instruction publique, décernant aux professeurs leurs diplômes et surveillant les études.

Le roi Nezahualcoyotl ne dédaignait pas de se ranger parmi les poètes qui concouraient devant l’académie : c’était cultiver les arts avec plus de discernement et de grandeur que Néron, lorsqu’il chantait devant le peuple, ou que Louis XIV, lorsqu’il paraissait dans les ballets, même avec la prétention d’être nec pluribus impar, et on ne dit pas qu’il ait jamais commis de petitesses littéraires, qu’il ait été jaloux de ses rivaux, ou que, intraitable à l’égard des critiques, il les ait jamais envoyés aux carrières. C’est que ce prince était réellement le premier poète de son époque. Il offre beaucoup de ressemblance avec deux grands princes de l’Orient, le roi David et le kalife Haroun-al-Raschid. Comme le premier, il releva une monarchie en ruines ; comme le second, il était d’une rare magnificence et d’un goût exquis dans ses constructions ; comme tous les deux, il fut législateur et organisa une administration complète dont sa personne était le centre. Il remplissait ses devoirs administratifs avec zèle, intelligence et succès, et c’est à peine si, dans ses états, il restait des terres en friche. Semblable au kalife de Bagdad, il aimait à prendre des déguisemens et à parcourir sa capitale avec son Mesrour et son Giafar, se mêlant aux groupes pour savoir ce qu’on pensait de son gouvernement, et recherchant des aventures qui lui donnaient occasion de déployer ses belles qualités. On retrouve dans sa vie un épisode qui semble calqué sur l’histoire des amours de David pour Bethsabé, la femme de l’infortuné Urie. Ses odes, dont quelques-unes ont été conservées, ne sont certes pas à la hauteur des psaumes de David, et il est difficile d’en juger la forme sur des traductions un peu libres probablement ; mais le fonds en est bien remarquable. Elles respirent une philosophie d’une douce mélancolie et pleine de confiance en une autre vie. Ses maximes, recueillies çà et là et rapportées, avec mille détails sur sa vie et son