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et sans conséquence ; c’est d’après elle qu’était rigoureusement calculé le retour de leurs fêtes et de leurs cérémonies religieuses. Raison de plus pour leur en faire honneur.

A côté de ces preuves remarquables de puissance intellectuelle et de civilisation, on retrouve les signes de l’enfance des arts. Ainsi, pour monnaie ils avaient des grains de cacao, en nombre connu, dans des sachets, ou de la poudre d’or, en quantité incertaine, dans des tuyaux de plume, ou des morceaux d’étain en forme de T. Eux, si habiles à travailler l’or et l’argent, n’avaient pas eu l’idée de frapper ces métaux ou de les fondre en disques ou en carrés d’un poids déterminé. On a assuré même que la notion du poids leur manquait, ce qui est incroyable et inadmissible, quoique M. Prescott semble le considérer comme vraisemblable ; une seule chose paraît certaine, sur les marchés mexicains tout se mesurait au volume ou au nombre de pièces ; voilà ce que rapporte Cortez à Charles-Quint, mais il se garde bien de dire que la notion de la pesanteur manquât à ces peuples.


III – LITTERATURE DES MEXICAINS

J’ai dit que les Mexicains avaient des livres. C’est qu’ils possédaient une véritable littérature historique et poétique. Ils faisaient des vers ; ils composaient des chants, des odes. La ville de Tezcuco, capitale florissante des Acolhues, se signalait par l’amour des lettres. On y parlait le plus pur et le plus raffiné des dialectes d’Anahuac. Selon l’expression de M. Prescott, c’était l’Athènes du Nouveau-Monde. De tout le Mexique, les familles les plus illustres y envoyaient leurs fils, selon Boturini, apprendre les délicatesses du langage, la poésie, la philosophie morale, la théologie, l’astronomie, la médecine et l’histoire. Le mouvement littéraire et scientifique y prit une grande activité sous le règne de Nezahualcoyotl, prince glorieux, qui reconquit, tout juste un siècle avant les Espagnols, le trône de ses pères, d’où un usurpateur l’avait chassé. Il créa, sous le titre de conseil de musique, une académie qui cumulait, avec ses occupations lettrées, des fonctions administratives et politiques. C’était un corps voué aux muses, comme nous pourrions dire, conservateur des bonnes traditions et du goût, protecteur des jeunes talens. A certains jours solennels, les auteurs venaient y réciter des poèmes et y recevoir des prix. Les trois souverains mexicains, rois de Tezcuco, de Tenochlitlan (Mexico) et de Tlacopan, las tres cabezas, pour employer l’expression ordinaire des narrateurs espagnols, étaient membres de