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montagne, et chacun eut à cœur d’imiter ce triste exemple, croyant ainsi montrer son zèle pour la religion.

L’état de leurs connaissances astronomiques dénoterait des moyens d’observation et des méthodes d’appréciation d’une exactitude surprenante. Ils étaient parvenus à connaître la longueur de l’année mieux que les Romains du temps de César, mieux que l’Europe officielle sous François Ier et Charles-Quint ; leur méthode d’intercalation pour tenir compte de la fraction de jour qui entre dans la durée exacte de l’année tropique était équivalente, à très peu près, à celle qu’a établie la réforme grégorienne. Par celle-ci, on intercale vingt-quatre jours en cent ans[1] ; les Aztèques en intercalaient 25 en 104 ans. La différence est bien faible. La longueur de l’année tropique est de 365 jours, plus une fraction représentée par 5 heures 48 minutes 49 secondes. Cette fraction de près d’un quart de jour par an, qui oblige à l’intercalation.d’un jour entier ou d’un certain nombre de jours après une certaine période, était supposée, dans le calendrier introduit par Jules César, d’un quart tout juste. De la sorte, on était en avance, au temps du pape Grégoire XIII, de dix jours. La réforme grégorienne, décrétée en 1582, qui intercale un jour tous les quatre ans, sauf aux années séculaires, pour lesquelles toutefois l’exception n’a lieu que trois fois sur quatre, suppose que cette fraction est de 5 heures 49 minutes 12 secondes. L’année moyenne du calendrier grégorien est donc trop forte de 23 secondes, soit un jour en quatre mille ans[2]. Chez les Mexicains, l’année moyenne mettait cette fraction à 5 heures 46 minutes 9 secondes. Leur année moyenne se trouvait ainsi conforme au calcul célèbre des astronomes du calife Almamon.

Laplace, frappé de cette approximation des Mexicains, aurait voulu l’attribuer à quelque communication avec l’Asie ; mais il fut arrêté par une réflexion fort judicieuse. « Pourquoi, dit-il, si cette détermination aussi exacte de la longueur de l’année leur a été transmise par le nord de l’Asie, ont-ils une division du temps si différente de celles qui ont été en usage dans cette partie du monde[3] ? » Le mieux est donc de croire que cette estimation était l’ouvrage des peuples du Mexique eux-mêmes.

Cette estimation exacte de l’année n’était pas chez eux un fait isolé

  1. Plus exactement quatre-vingt-dix-sept en quatre cents ans.
  2. D’où il résulte qu’on se retrouverait à point en débisextilant une année tous les quarante siècles.
  3. Système du Monde, liv. V, chap. III.