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Leurs signes représentaient ce qu’on nomme en arithmétique les puissances successives de 20, c’est-à-dire 20 fois 20 ou 400 qu’on indiquait par une plume, 20 fois 400 ou 8,000 qui se figurait par une bourse, et ils avaient rarement besoin d’aller au-delà de cette troisième puissance, parce qu’ils en combinaient le signe avec leurs autres figures. C’est comme si nous avions des chiffres successifs pour les nombres dix, dix fois dix ou cent, dix fois cent ou mille. D’un à vingt, les nombres se représentaient en groupant autant de points qu’il y avait d’unités. Cette écriture arithmétique, fort inférieure à celle que nous tenons des Indous par l’intermédiaire des Arabes, et qui est fondée sur l’idée si ingénieuse des valeurs de position[1], vaut celle des Grecs et des Romains, et y ressemble prodigieusement, car les principaux chiffres romains correspondent aux puissances successives de dix. Les signes vingt, quatre cents, huit mille, se fractionnaient par moitié et par quart, afin d’indiquer, sans grande complication, tous les nombres. Ainsi 200 se figurait par la moitié d’une plume, 6,000 par les trois quarts d’une bourse.

J’ai nommé les manuscrits des Mexicains Ils avaient une écriture, ils en avaient même plus d’une. Ils se servaient non-seulement de signes hiéroglyphiques, tant figuratifs que symboliques, mais aussi, de même que les Égyptiens, de signes phonétiques, représentant non plus une chose, ou une action, ou une idée, mais un son. De là à l’alphabet il n’y a qu’un pas, ou, pour mieux dire, c’est déjà un alphabet ; mais bien moins que les Égyptiens ils firent usage de cette découverte précieuse des signes phonétiques, et se bornèrent presque toujours aux signes figuratifs et symboliques. Il en résultait qu’il fallait beaucoup aider l’écriture par la mémoire. Leurs livres, en feuillets comme les nôtres, et non pas en rouleaux comme ceux des anciens, étaient réunis en bibliothèques. Malheureusement, presque tout fut brillé après la conquête. Le premier archevêque de Mexico, homme recommandable d’ailleurs par la chaleur avec laquelle il protégea les Indiens contre la rapacité des colons, venus, semblables à des oiseaux de proie, pour dévorer les fruits de la conquête, rechercha dans le pays tous les manuscrits, et en fit, sur la grande place de Mexico, un solennel auto-da-fé. Il y en avait, disent les écrivains du temps, une

  1. C’est-à-dire sur la convention qu’en avançant un chiffre d’un rang vers la gauche, on le décuple.