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bois vernissé comme les Russes d’aujourd’hui. Ils n’avaient pas le fer : cet utile métal, sur les deux continens, n’a été connu de l’homme qu’assez tard après que la civilisation était éclose ; mais, semblables en cela aux Égyptiens et aux premiers Grecs, ils le remplaçaient par le bronze qui, écroui, acquiert une grande dureté[1]. Ils y suppléaient aussi au moyen d’une substance minérale vitreuse, mais plus dure que le verre, appartenant aux terrains volcaniques, l’obsidienne (iztli). Ils étaient habiles à tailler l’obsidienne en tranchans : ils en faisaient des outils, des couteaux, des rasoirs (car, quoique moins barbus que nous, ils avaient des barbiers), des pointes de flèche ou de pique. De leurs mines qu’ils exploitaient grossièrement, ils extrayaient du plomb, de l’étain, de l’argent, de l’or, du cuivre. Ils excellaient à travailler les métaux précieux ; les ornemens et vases d’or et d’argent que Cortez reçut de Montezuma avant de gravir le plateau et ceux qu’il trouva à Mexico étaient fondus, soudés, fouillés au burin, enrichis de pierres gravées, émaillés avec un art ignoré alors des orfèvres d’Europe, et ceux-ci eux-mêmes s’avouaient vaincus, s’il faut en croire les écrivains contemporains de la conquête. « Aucun prince du monde connu, écrit Cortez à Charles-Quint, ne possède de joyaux d’une aussi grande valeur, » et il indique bien que la façon ne le cédait en rien à la matière elle-même[2].

  1. L’usage du bronze, c’est attesté par les fouilles de Pompéi, au lieu de l’acier, s’est maintenu, même fort tard, dans la civilisation à laquelle nous appartenons.
  2. Cortez proteste, dans ses lettres à Charles-Quint, qu’il n’exagère rien, et en effet ces lettres portent l’empreinte de la circonspection et de la réserve. Il s’est toujours conduit envers son souverain comme un loyal sujet. Il n’a jamais mérité d’être accusé d’hyperbole. Voici un extrait d’une de ces lettres :
    « Un rapport complet sur les usages et les coutumes de ces peuples, sur l’administration et le gouvernement de cette capitale et des autres villes appartenant à ce souverain, exigerait beaucoup de temps et un grand nombre d’écrivains fort capables. Je ne pourrai donc rendre compte à votre majesté que de la centième partie des faits qui méritent d’être rapportés ; mais je ferai mon possible pour raconter le mieux que je pourrai quelques-uns, dont j’ai été témoin oculaire, si merveilleux, qu’ils passent toute croyance, et dont nous ne pouvons pas même nous rendre compte. Le seul reproche que l’on puisse m’adresser, c’est d’avoir fait un rapport incomplet ; mais on ne dira jamais que j’ai exagéré les faits, ni ici, ni dans tout ce que j’écrirai, car il me paraît juste d’exposer à mon prince et maître la vérité le plus clairement possible, sans rien admettre qui puisse l’obscurcir ou l’exagérer… »
    Comment Cortez aurait-il exagéré au sujet de ces pièces d’orfèvrerie, puisqu’il les envoyait à Charles Quint ? Las Casas, Oviedo et Pierre Martyr, qui les ont vues de leurs yeux en Espagne, joignent leur témoignage à celui du Conguistador.