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les plantes médicinales, très multipliées chez eux. Une des lianes de leurs forêts leur donnait la vanille que le Mexique a encore le privilège de fournir à l’Europe. Sur leurs cactus ils élevaient la cochenille, qui de nos jours est de même l’un des principaux objets du commerce mexicain. La culture la plus curieuse qu’ils eussent était celle d’un aloès particulier, l’agave mexicana connu communément parmi eux sous le nom de maguey. On sait que tous les peuples ont recherché quelque boisson fermentée, et, aux yeux du physiologiste, la merveille de l’islamisme c’est d’avoir pu astreindre les Orientaux à l’abstinence de tout breuvage pareil. De ce penchant, disons mieux, de ce besoin général des peuples résulte l’extension qu’a reçue dans presque toute la civilisation la culture de la vigne[1]. Les Aztèques ne possédaient pas notre vigne, qui, dès la conquête, importée sur le plateau d’Anahuac, y a très bien réussi[2]. Le maguey leur en tenait lieu. Au moment où il montait en fleur, on coupait cette tige ascendante toute juteuse. Le suc saccharin qui affluait alors, pendant plusieurs jours, se recueillait dans un calice pratiqué au cœur de la plante même, et, après avoir subi la fermentation, il faisait, sous le nom de pulque, les délices des buveurs. Les feuilles du maguey, broyées et mises en pâte, donnaient un papier blanc sur lequel on écrivait comme les Égyptiens sur le papyrus. La fibre de ces feuilles se tissait en étoffes communes et servait à fabriquer des cordes, comme celle du chanvre. Les pointes dont elles sont armées remplaçaient les aiguilles et les poinçons. Entières, ces feuilles épaisses recouvraient les maisons. La racine donnait un manger agréable et nourrissant. On tirait encore de cette plante un sirop très sucré. Le maguey, enfin, répondait à mille besoins et était un trésor pour eux. Ils n’ont pas cessé de le cultiver. Le pulque est présentement encore la boisson de prédilection de la nation mexicaine. À Mexico, les tables des Européens sont les seules où il ne soit pas servi quotidiennement. À l’approche des villes, on voit de vastes champs où sont rangés en quinconce de massifs aloès auxquels on ne

  1. La boisson fermentée des Chinois est tirée du riz à peu près comme la bière est une boisson fermentée faite avec de l’orge. D’autres peuples ont fait fermenter les jus sucrés de diverses plantes.
  2. La culture de la vigne a été la cause ou plutôt l’occasion de la révolution du Mexique. Le gouvernement espagnol, dans l’intérêt de la métropole, avait interdit la culture de la vigne ainsi que celle de l’olivier dans la Nouvelle-Espagne. Le curé de la petite ville de Dolorès avait planté des vignes et voulait les répandre parmi les Indiens, ses paroissiens ; les autorités les firent arracher. Peu après, il prit les armes avec ses Indiens, et fut le premier général de l’indépendance.