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les inconvéniens qu’il y aurait pour lui à marier sa fille à quelqu’un qui aurait le droit d’être exigeant : or, quiconque est riche, quiconque a un beau nom, s’arroge ce droit-là. M. Thomassin en conclut qu’il doit donner sa fille à un homme qui, n’ayant rien, n’exigera rien, et sera entièrement à sa merci ; il offre donc à M. Duvernay, son clerc, la main de Mlle Adolphine. Duvernay, jeune et ambitieux, accepte cette proposition inespérée, quoiqu’il eût un autre amour dans le cœur, et Adolphine ne refuse pas, quoiqu’elle eût préféré certain vicomte, mais elle est si pressée d’avoir une calèche et d’aller se montrer au bois ! Le mariage est conclu, et c’est là réellement que commence la pièce, avec les tribulations d’un mari qui n’a rien apporté dans la communauté, si ce n’est un noble cœur, et dont le beau-père est millionnaire et la femme coquette. Cette situation était féconde en scènes comiques d’un effet neuf. Les auteurs de la comédie nouvelle n’en ont pas tiré tout le parti possible ; ils ont tourné trop court pour arriver au larmoyant. Puisque leur comédie se rapproche surtout du genre de Picard, il fallait que le Picard (le bon Picard, s’entend) se montrât davantage ici. Dans le Gendre d’un Millionnaire, le comique est plutôt dans les mots que dans les scènes. Il est vrai que, s’il y avait eu plus de gaieté dans les premiers actes, elle n’aurait pu s’exercer qu’aux dépens de la dignité du mari, et qu’alors il eût été assez difficile d’amener le cinquième acte, qui est touchant. Ce qu’on aime surtout dans ce dénouement, c’est de voir la jeune femme, légère et dédaigneuse du premier acte, que la noblesse de son mari touche au cœur, et qui, après l’avoir dédaigné sans le comprendre, commence à le comprendre, parce qu’elle finit par l’aimer. Quant au beau-père, qui abdique entre les mains de son gendre et de sa fille, il paraît moins vraisemblable. Si quelqu’un est incorrigible, c’est un parvenu avare et entêté.

A la première représentation, le Gendre d’un Millionnaire n’a pas été bien écouté par tout le monde ; il était évident que plus d’un avait apporté en entrant une sorte de mauvaise humeur, puisqu’elle s’est manifestée trop tôt, et sans attendre le motif. Le second jour, mieux écoutée, la pièce a été applaudie franchement : il faut ajouter que quelques coupures avaient été faites à propos ; des mots assez heureux ont été mieux compris. Les acteurs ont bien rempli leur rôle. Mme Volnys a eu dix sept ans dans le Gendre d’un Millionnaire, comme elle avait su en avoir quarante dans la pièce de M. d’Onquaire. — Nous ne parlerons pas du style, on sait trop que nous avons perdu le secret du style comique. Qui donc retrouvera le diamant ?


— A mesure que les progrès de la civilisation et les découvertes scientifiques donnent à l’Europe une influence plus marquée sur les autres parties du globe, il lui importe davantage de bien connaître les peuples éloignés, les nations anciennes qui, brillantes autrefois, s’éteignent aujourd’hui dans l’Ambre ; si elles meurent et s’effacent, ce doit être au profit de quelque autre. Quant à la France, pour peu qu’elle n’ait pas renoncé à continuer en Asie un rôle assez glorieux et long-temps soutenu, il ne doit pas lui être indifférent de savoir ce qui s’est passé depuis vingt-cinq ans en Perse, dans