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Peel et l’Angleterre l’admet avec lui. Au milieu de l’enthousiasme général, le parti ministériel ose à peine murmurer. Le parti agricole, qui craint de perdre ses droits sur les céréales, étouffe ses plaintes. L’opposition triomphe ; ce sont ses principes, ce sont ses convictions qui viennent d’être proclamés par le pouvoir. Seulement, présentée par sir Robert Peel, la réforme financière et commerciale est assurée du succès ; présentée par l’opposition, elle n’aurait pu vaincre les obstacles que la situation privilégiée du ministre tory, jointe à son habileté et à son ascendant parlementaire, a si heureusement surmontés jusqu’ici.

Les vives polémiques ont recommencé dans la presse de Madrid ; encore quelques jours, et le congrès entamera des discussions bien plus ardentes que celles d’où est sortie la réforme de la constitution. Il ne s’agit plus maintenant de ces belles théories sociales que les orateurs espagnols ont, à qui mieux mieux, développées à leur tribune ; on fait même trêve, nous sommes heureux de le constater, aux petites querelles de personnes. Le débat n’est plus si haut, ni si bas ; cependant, pour avoir changé de terrain, il n’en est pas moins irritant. On le comprendra sans peine, si l’on songe que tous les intérêts matériels de la Péninsule et un très grand nombre d’intérêts particuliers s’y trouvent engagés. Le congrès est enfin sur le point de discuter ce fameux budget général de M. Mon, dont nous avons déjà fait connaître les détails ; mais avant qu’il se prononce sur l’œuvre complète de M. Mon, c’est une partie de cette œuvre, un seul acte du ministre des finances, ou plutôt du cabinet tout entier, qui essuiera la plus rude épreuve : nous voulons parler de la restitution des biens du clergé non vendus, que M. Mon a déjà proposée aux cortès. Le cabinet de Madrid a cédé à de très hautes sollicitations, contre lesquelles il avait jusqu’ici lutté si énergiquement, qu’on ne pouvait guère s’attendre à ce qu’il se départît de ses premières résolutions. Le gouvernement espagnol a fait là une concession extrêmement périlleuse ; de quelque façon qu’il s’y prenne, il lui sera impossible de ne point se heurter à un écueil. Cela est si évident, qu’en vérité nous ne concevons pas que M. Mon et ses collègues se soient aventurés dans cette sorte d’impasse où, grace à eux, vont se choquer les plus ardentes passions et les plus opiniâtres intérêts, les passions religieuses et les intérêts créés par la révolution. Il s’en faudra de beaucoup que le revenu des biens non vendus constitue au clergé une dotation convenable ; c’est à peine s’il pourra suffire à un tiers de ses besoins. Comment subvenir aux deux tiers restans ? Le clergé aura-t-il, comme toute autre classe de fonctionnaires, outre sa dotation indépendante, un chapitre particulier dans le budget du royaume ? Nous doutons fort que les plus fougueux défenseurs des intérêts matériels du clergé, M. de Viluma et ses amis, consentent jamais à ce que le problème soit ainsi tranché ; telle est précisément la question sur laquelle s’est élevée au congrès cette altercation violente qui a décidé M. de Viluma à donner sa démission. Pour mettre le clergé en état de compléter sa constitution civile, lui accordera-t-on la faculté d’acquérir ? Ce serait tout simplement rétablir, avec ses intolérables